Broken Age : Episode 1, le point & click est de retour.
Broken Age : Episode 1 raconte non pas une histoire, mais deux. Tout d’abord celle de Vella Tartine (doublé par Masasa Moyo), jeune femme dont le malheur est de vivre une époque troublée. Le monde dans lequel elle vit est aux prises avec Mog Chothra, créature géante à l’apparence lovecraftienne. Le monstre imposant demande une série de sacrifices, et ce tous les 15 ans : les jeunes femmes des peuplades autochtones doivent être livrées à la masse informe, sinon c’est la destruction immédiate des villages. Alors que Vella est en passe de servir d’offrande, elle décide qu’il en sera autrement et décide de se tirer de sa situation désespérée pour combattre l’immonde Mog Chothra. Parallèlement à ça, nous suivons le quotidien morne et répétitif de Shay Volta (doublé par Elijah Wood), un jeune homme visiblement retenu contre son gré dans un immense vaisseau. Dans ce dernier, le Bossa Nostra, l’adolescent semble être la seule âme qui vive, accompagné d’une intelligence artificielle à la fois maternelle, paternelle et surtout tellement protectrice qu’elle en devient anxiogène. Alors que le programme, sensé réserver à Shay de quoi occuper son temps, ennuie terriblement le jeune homme, ce dernier trouve le moyen de briser la routine en prenant des risques pas très considérés.
Dire que Broken Age était attendu avec une énorme impatience par les fanatiques du jeu « point & click » est encore loin de la vérité. Pour bien apprécier le bouillonnement qui entourait ce jeu jusqu’à sa sortie, il faut avoir toutes les clés de compréhension et celles-ci prennent racines dans l’histoire du jeu-vidéo. Tout d’abord, un jeu de ce genre annoncé par Double Fine c’est à peu près comme expliquer à un enfant que le Père Noël passe dans quelques minutes : c’est l’euphorie, le cœur qui palpite. Car ce studio de développement n’est pas rien : c’est celui d’un certain Tim Schafer. Et Tim, pour la mémoires des gamers de plus de trente ans, et les jeunes passionnés, c’est un peu le Joe Dante du jeu-vidéo. Un auteur pétri de talent, aux univers à la fois barrés et très fouillés, mais malheureusement pas assez rentable pour les grosses productions. Tim, bien avant Broken Age, c’était six jeux qui ont marqué la culture vidéo-ludique : Monkey Island (1, 2, 3), Day Of The Tentacle, Full Throttle et Grim Fandango. Ce dernier jeu, pourtant génialissime, datant de 1998, aura eu raison de la carrière du génial concepteur chez Lucasfilm Games, qu’il quitte de son plein gré pour fonder Double Fine. Depuis, Tim Schafer n’avait pas retouché à un jeu « point & click ». Il aura donc fallu seize ans pour voir le retour de ce grand nom aux commandes du genre à qui il a donné une partie de ses lettres de noblesse. Autre source d’impatience, le succès ébouriffant de la campagne de financement participatif sur Kickstarter, réunissant 87 000 « backers » pour un total de plus de trois millions de dollars récoltés. Un truc de fou. Avancer que Broken Age était une attente majeure de l’année 2014 est donc un euphémisme.
Broken Age est donc un « point & click », un jeu d’aventure faisant la part belle aux énigmes que le joueur doit résoudre à l’aide d’objets qu’il aura récupéré, bien souvent via d’autres énigmes. Contrôlé à la souris, l’avatar apparent sur l’écran, ce genre roi des années 80/90 sur PC a pu être décliné dans tous les styles possibles : comédie, policier, science-fiction, horreur, etc. Broken Age se propose d’apporter un peu de fraîcheur au genre, en dépoussiérant le gameplay et en se créant carrément un univers à partir de presque rien. « Presque rien », car on peut y voir évidemment quelques références qui feront plaisir notamment aux fans de Lovecraft ou encore de Silent Running, le tout dans un monde certes fantaisiste mais tellement cohérent qu’il ne faut que quelques minutes pour y être happé. Mieux, son sujet qui couvre le passage à l’âge adulte pour les deux personnages, est tellement universel que n’importe quel décors s’en trouverait véridique. Le jeu débute par un choix, commencer en prenant le contrôle de Vella, endormie sous un arbre, ou de Shay, qui lui se repose paisiblement dans un lit futuriste. Une fois le personnage choisi, son histoire débute mais gardez à l’esprit qu’à tout moment vous pouvez passer d’un personnage à l’autre grâce à l’onglet d’inventaire. Ce dernier est la réponse de Tim Schafer aux joueurs désirant un peu de renouveau dans le gameplay, et ça pourra faire tiquer les plus fondamentalistes des fans du genre, qui auront raison de regretter le choix d’une interface n’apparaissant qu’en cliquant sur le coin gauche de l’écran. Ça libère l’écran, donc l’univers de Broken Age est visuellement intéressant, mais c’est un poil lourd que de devoir revenir à chaque fois chercher un objet pour l’associer à une énigme.
Les mystères de Broken Age étaient d’ailleurs attendus de pied ferme, et force est de constater qu’eux aussi ont profité d’une adaptation à l’époque. Terminées les énigmes tarabiscornues de Monkey Island, ici point de queue de singe pouvant ouvrir une porte (l’énigme la plus marquante de l’univers Tim Schafer, à n’en point douter). C’est bien vu car, aujourd’hui, patience et casse-tête ne font plus bon ménage. On le voit, par exemple, avec le succès des jeux à « objets trouvés », qui jouent avec la rapidité des situations à résoudre pour donner un résultat payant. Dans Broken Age, pas de céphalées carabinées à prévoir, tout s’enchaîne plutôt vite et l’impression d’assister à un dessin-animé interactif, visuellement de très grande qualité, se fait de plus en plus présente. On se remémorera longtemps, par exemple, tout le passage du premier sacrifice, moment très déroutant tant l’horreur de la situation se dispute avec des sursauts d’humour typiquement « Schaferien ». Soutenue par une musique sensationnelle de Peter McConnell (compositeur de Hearthstone), la séquence met le joueur sous tension et ce même s’il dispose de tout le temps nécessaire pour pouvoir se tirer de ce mauvais pas. C’est très prenant, et que les anglophobes se rassurent : Broken Age est intégralement, et avec soin, sous-titré en Français, histoire de mieux profiter de l’excellent travail effectué par les doubleurs, Elijah Wood et Jack Black notamment.
Broken Age est donc une réussite totale sur son univers, son ambiance. Notons qu’il est parfaitement fluide sur des PC bas de gamme (test effectué sur un portable AMD Dual-Core E1-2500, AMD Radeon HD 8240, 4 GB DDR3). D’ailleurs, signalons que le jeu est disponible aussi sur iPad, Mac et Android. Par contre, on regrette fortement la formule en épisodes. A la mode depuis le succès mérité de l’adaptation vidéo-ludique de The Walking Dead, ici la division en deux est justifiée par de mystérieux soucis de finances. On veut bien croire Double Fine, pas de soucis, mais que c’est rageant de devoir quitter Broken Age après un cliffhanger aussi… retournant. Faisant le lien entre les deux histoires apparemment très éloignées, ce final vient après quatre heures de jeu très condensées. C’est peu diront certaines mauvaises langues, mais ça se situe dans la moyenne basse de ce genre de production (rappelez-vous Phantasmagoria), et pour un prix abordable : 23 euros pour les deux épisodes. La deuxième partie, qui arrivera donc sous forme de mise à jour gratuite, n’a pas de date de sortie précise mais on soupçonne Janvier 2015. Donc le résultat total en terme de temps de jeu atteindra certainement les huit heures, et là c’est du sérieux. C’est à vous de voir si vous préférez attendre pour profiter de l’histoire complète sans risquer une certaine frustration, ou si la tentation de s’essayer à Broken Age est trop forte pour résister à ce qui est une bien belle aventure graphique.
Retrouvez d’autres tests intéressants de Broken Age : Episode 1 notamment chez Gameblog ou PC World.
- Une ambiance fantastique !
- Des énigmes agréables à résoudre.
- Durée de vie honnête.
- L'onglet d'inventaire, pas top.
- Le format épisodique, frustrant.
- Facile pour les joueurs expérimentés.