Grim Fandango Remastered, notre test d’un jeu culte enfin réincarné grâce à Double Fine.
S’il fallait imager le terme de jeu culte, Grim Fandango, ici testé dans sa version remastérisée, serait à coup sûr cité parmi les premiers. Le dernier jeu de l’immense Tim Schafer (Broken Age Episode 1) pour LucasArts aura connu un destin bien funèbre, alors que Grim Fandango fut reconnu comme l’un des meilleurs jeux de son temps, le meilleur de l’année 1998 pour le prestigieux GameSpot. Une année qui a vu naître rien de moins que Starcraft et Half-Life, histoire de bien situer le retentissement que fut Grim Fandango côté succès critique. Malheureusement, le jeu n’a pas réussi à trouver son public, ce dernier étant, dès cette époque, de plus en plus attiré par l’action, et de moins en moins par les jeux d’aventure. Le bide commercial de Grim Fandango, aussi cruel qu’il fut, a aussi eu l’effet d’une sonnerie de fin de récréation : terminée la mode du point and click. Les rares incursions dans le genre ont, depuis, confirmées bien malheureusement que ce type de jeu est devenu, à l’image du shoot’em up, un marché de niche. Depuis quelques années, on observe un nouveau courant : des remake de ces jeux d’aventure qui ont bercé notre enfance. Monkey Island, Beneath A Steal Sky, Gabriel Knight, Broken Sword et, donc, le fameux Grim Fandango qui gagne, ici, le sous-titre précis : Remastered.
Grim Fandango Remastered, qué tal ?
Grim Fandango Remastered vous propulse dans la peau de Manuel Calavera, un agent de voyage… Enfin, par peau on entend plutôt os, et le métier de celui qui aime se faire appeler Manny n’a rien de la banalité quotidienne d’une agence. Non, car le héros de Grim Fandango Remastered est un squelette, résident du Pays des Morts, un monde de transition vers l’objectif absolu : le repos éternel. Dans ce pays très inspiré de la mythologie aztèque, les âmes rendent des comptes sur leur vie tout juste éteinte, mais pas dans la forme telle qu’on l’imagine. Pas de Saint Michel pour mener le Jugement Dernier dans Grim Fandango, mais une administration précise : le Département Des Morts (DDM) qui se charge de vendre aux âmes fraîchement décédées un service de transport pour le repos éternel en adéquation avec leurs bonnes actions. Un grand bandit, par exemple, aura le droit à une canne et une marche de quatre longues années. Une vie faite de respect de son prochain aura, pour sa part, l’effet d’envoyer la belle âme dans le Neuf-Express, sorte de TGV ultime permettant d’atteindre le monde du repos éternel en seulement quatre minutes. C’est donc là que Manny intervient dans Grim Fandango, commercial affublé d’un costume de la Mort, fourche comprise, histoire de faire un minimum respectable. Si le personnage principal de Grim Fandango doit chasser le contrat, c’est qu’il est endetté et ne peut rejoindre le monde promis aux autres, tout comme tous les autres résidents du Pays des Morts. Il doit palper de la monnaie, hélas les contrats qu’il récolte ne sont jamais à la hauteur de ses attentes, à croire que les humains mènent, dans le monde de Grim Fandango, des vies de moins en moins respectables. Son incompréhension grandit alors que son détestable collègue, Domino, chouchou du patron Don Copal, boucle des contrats en or, et ce à tour d’humérus. Contrarié, Manny décide de prendre les choses en mains et intercepte un ordre de mission destiné à son rival. C’est ainsi qu’il prend en charge Mercedes Colomar, une femme dont la bonté d’âme fut exemplaire tout au long de sa vie. Alors que le héros de Grim Fandango s’apprête, heureux comme tout, à vendre un billet de Neuf-Express, il se rend compte que le dossier de sa cliente a été trafiqué, modifié. Il semble, dans Grim Fandango, qu’il se trame de bien odieuses pratiques au sein du Département Des Morts…
Grim Fandango, toujours aussi savoureux.
Replonger dans Grim Fandango, c’est se remémorer une foule de choses, mais s’il y en a une qui domine c’est bien l’univers du jeu. Grim Fandango est bien l’une des œuvres vidéoludiques les plus abouties à ce niveau, au point qu’il peut parfois donner le vertige. Pas dans le sens de la profusion d’informations, dans ce domaine un Mass Effect, par exemple, est bien plus complet, mais dans la cohérence. Grim Fandango n’est pas moins qu’un jeu dont l’ambiance trouve le juste équilibre entre film noir, comédie et fantastique. Les cinéphiles verront immédiatement, dans Grim Fandango, certaines références à Casablanca, Sur les Quais ou Gilda, mariée avec une folie typiquement LucasArts de l’époque, le tout baigné dans une ambiance un peu « Burtonienne ». Ceux qui ont joué au Grim Fandango de l’époque se souviendront avec bonheur de ce début qui ne laisse que peu de chance de ne pas être totalement emporté dans le Pays des Morts, avec un crescendo dans la difficulté des énigmes, toutes très jouissives à résoudre et développant très bien l’immersion. Peu de temps après avoir lancé la partie, on se dit que Grim Fandango est ce genre de jeu qu’on a énormément de plaisir à ressortir de temps à autres, histoire de mettre un peu de côté les FPS actuels. Seulement, ici nous ne parlons pas de Grim Fandango, mais de Grim Fandango Remastered, et c’est impatient qu’on s’attend à en prendre plein la vue par cette mise à jour.
Grim Fandango Remastered, os laid ?
Il faut prévenir tout de suite, Grim Fandango Remastered n’est absolument pas un remake HD, tel qu’on a pu le connaître avec la ressortie de Monkey Island. On peut même dire que la déception se fait un peu sentir quand au résultat de la refonte graphique tant attendue. Il n’a jamais été dit que ce serait spectaculaire, ne blâmons donc pas Grim Fandango Remastered, mais on est un peu déçu de n’avoir le droit qu’à une amélioration technique des personnages, voire un meilleur éclairage sur certains décors, mais ne vous attendez à rien de plus. Les cinématiques de Grim Fandango Remastered sont exactement les mêmes que celles du jeu d’origine, ce qui est assez incompréhensible. On comprend le choix de Double Fine de ne pas trop modifier le matériel d’origine, toujours très agréable à l’œil soit dit en passant, tant le travail de Peter Chang côté décors de Grim Fandango est toujours aussi remarquable. Mais tout de même, on aurait aimé au moins un meilleur lifting, tout en soulignant l’effort pour amoindrir fortement l’aliasing d’époque. Voilà le genre d’amélioration qu’on attendait de ce Grim Fandango Remastered. Le choix a été fait de ne pas trop porter atteinte au résultat de l’époque, tout simplement, donc de garder l’ambiance visuelle indemne. Et si cette décision est acceptable pour Grim Fandango Remastered, le jeu restant joli à regarder, un véritable souci vient nous prendre par surprise.
Grim Fandango Remastered, une optimisation décevante.
Grim Fandango Remastered propose donc une mise à jour limitée de ses graphismes et, surtout, souffre de quelques petits soucis d’optimisation. A l’image du remake de Monkey Island, il suffit de presser un bouton de la manette pour basculer du Grim Fandango Remastered au rendu du jeu d’origine, ce qui fait toujours son petit effet. Précisons de suite que le test est effectué sur un PC portable loin d’être un bolide (AMD Dual-Core E1-2500, AMD Radeon HD 8240, 4 GB DDR3), mais normalement tout à fait apte à faire tourner un jeu de ce calibre technique, et ce sans anicroches. Pourtant, on remarque une fluidité moins évidente dans le rendu remastérisé de cette version de Grim Fandango, ce qui est tout simplement inexplicable étant donné le peu de différences entre les deux versions. De la même façon, même si Grim Fandango Remastered est loin d’être le genre de jeu qui doit être patché dès les premiers jours de commercialisation, indiquons que le jeu a planté deux ou trois fois lors du test, ce qui n’est rien et sera certainement réglé lors de prochaines mises à jour, mais ça mérite d’être signalé. Grim Fandango Remastered n’est clairement pas à conseiller pour son côté technique, mais alors pourquoi est-il aussi bien noté vous demandez-vous ?
Grim Fandango Remasterd, Manny habilité.
Tout simplement parce que Grim Fandango Remastered est un grand jeu qui ne peut se résumer à des caractéristiques techniques. Au rayons des apports de cette version, certaines améliorations bonifient véritablement le Grim Fandango d’origine. C’est le cas de la nouvelle prise en main de Manny, qui était le point le plus discuté dans la version 1998 et à raison tant le gameplay, mélange de point and click et de contrôle du personnage au clavier, était d’une lourdeur peu commune. Dorénavant, le joueur Vita, PS4 et PC (manette entièrement prise en charge) pourra prendre son pied en dirigeant le héros de Grim Fandango Remastered de manière relative aux angles de caméra. Une véritable bénédiction pour les nerfs, et les joueurs PC ont même le droit à une option de contrôle à la souris, pour un résultat totalement point and click. L’inventaire, quand à lui, reste identique à celui du Grim Fandango d’époque, toujours géré dans un cadre rapproché sur la veste de Manny, les objets se choisissant sous le manteau. C’est pas très rapide et parfois un peu déroutant, surtout lors des séquences demandant une réaction rapide, comme celle des castors de feu, mais on s’y (re)fait rapidement. Grim Fandango Remastered sera certainement étonnant à jouer pour la nouvelle génération de joueur, habituée à maîtriser la caméra et non à se plier à elle.
Grim Fandango Remastered, qui aux commentaires ce soir ?
Si Grim Fandango Remastered est sans aucun doute le meilleur représentant de son genre à disposition des joueurs actuels, son intérêt est tout autant ludique que culturel. Conscient de cet aspect transmission, Double Fine gâte le public, en incluant à cette version de Grim Fandango un commentaire audio tout bonnement génial, long de deux heures. Quasiment à chaque écran, on a le droit à une anecdote, qu’elle soit technique, artistique ou de production. Que ceux qui n’apprécient pas le concept (ils ont le droit d’exister) se rassurent : rien n’est obligatoire car c’est le joueur qui décide s’il veut écouter ou non ce commentaire en jouant à Grim Fandango Remastered, via une la pression d’une simple touche. Bonheur suprême, tant ce genre de travail est souvent boudé par les éditions françaises, l’entièreté de ce contenu est sous-titré dans la langue de Molière. On pourra apprendre, par exemple, que le passage des pigeons de Grim Fandango fut inspiré par une expérience d’un petit boulot de Tim Schafer, qui devait nettoyer de temps en temps le toit de son entreprise, recouvert de fiente d’oiseau. Ou encore le fait qu’il se disait, dans les milieux autorisés, que le titre Grim Fandango était un nom de code pour le projet Star Wars Episode 1. L’un des doubleurs, alors contacté, se faisait évidemment une joie de faire partie du casting de Grim Fandango, avant de retomber sur terre en s’apercevant qu’il ne s’agissait que d’un boulot pour un jeu-vidéo. Ce sont des centaines d’histoires qui sont racontées par Schafer et sa bande, et c’est un véritable plaisir que de les écouter en jouant à Grim Fandango Remastered. D’ailleurs, notons que le domaine audio de ce jeu est toujours d’une qualité supérieure, la version française étant doublée par les fleurons de cette profession : le regretté Mario Santini (la voix de Beetlejuice, c’était lui), Christian Pelissier (Capitaine Haddock dans la série animée Tintin), Nathalie Homs (entendue dans une tonne d’animés Japonais) ou encore Michel Elias (Pumba dans Le Roi Lion). Soyez en sûrs, vous ne regretterez pas une seule seconde la traduction complète de Grim Fandango Remastered, et quand bien même vous aimeriez tâter de la version anglaise… elle est à disposition. Quand à la bande originale de Grim Fandango Remastered, elle a fait l’objet d’une véritable réorchestration, très agréable à l’écoute même si les partitions d’origine étaient déjà de grande qualité.
Grim Fandango Remastered, pas pour les rigolos.
C’est ainsi que les heures de jeu s’enchaînent dans Grim Fandango Remastered. Comptez toujours une grosse quinzaine d’heures pour en venir à bout, voire plus d’une vingtaine s’il s’agit de votre première fois. La durée de vie de ce Grim Fandango Remastered est immense comparée aux autres productions du genre, et se multiplie encore, si vous voulez le refaire dans sa version d’origine, ou encore pour écouter entièrement le commentaire audio. Aussi, quel plaisir de revenir sur les énigmes aussi folles que celles de Grim Fandango, qui mettront à dure épreuve les plus tordus d’entre nous. D’ailleurs, n’attendez pas une quelconque aide de cette version de Grim Fandango, ici on est dans le dur, l’éprouvant, le genre qui vous fera sortir du jeu pour consulter au plus vite une soluce. Pas de problématiques farfelues, mais une logique particulière, dirons-nous. Dans Grim Fandango Remastered, il vous faudra parfois être très observateur des personnages qui vous entoure et agir en conséquence de leurs actions, comme pour le passage de Naranja (ce nom suffit à donner des frissons à votre serviteur). Ceux qui ont l’habitude de faire passer le curseur de la souris sur tout l’écran, pour mettre en surbrillance le éléments interactifs, en seront pour leur frais. Dans Grim Fandango Remastered, c’est Manny qui mène la danse et nul autre que lui n’a la solution au bout du nez. Un objet important à proximité, le crâne du héros de Grim Fandango Remastered se tourne dans sa direction pour avertir le joueur qui doit, en conséquence, rester concentrer sur son petit avatar. Un système formellement intelligent, mais un poil imprécis dans certains cas où deux interactions se chevauchent. Rien de bien gênant cependant, et il est toujours aussi bon, dans Grim Fandango Remastered, de résoudre les énigmes dont la difficulté connaît une vraie évolution dans la difficulté.
Grim Fandango Remastered, la crème de la crème.
Au final, Grim Fandango Remastered reste le jeu d’aventure à posséder sur PS4 et Vita, et un achat indispensable pour les joueurs PC, qui y trouveront un intérêt différent selon qu’ils soient expérimentés ou de jeunes pousses. Précisons que le jeu se trouve aussi bien sur Good Old Games que sur le PSN, au prix rikiki de 11.89€ (sur Steam, comptez trois euros de plus). On ne peut nier une pointe de déception côté optimisation de Grim Fandango Remasterised, mais le reste donne toute la satisfaction qu’on attend de ce genre de ressortie. Reste le jeu d’origine, son ambiance géniale, ses personnages d’un charisme indiscutable, son final grandiose. Grim Fandango Remastered fait partie de ces softs que toute bonne ludothèque se doit de contenir en son sein, et plus vite que ça !
Grim Fandango Remastered, les bonus.
Le site officiel de Grim Fandango Remastered, en Anglais, c’est à cette adresse.
Pour trouver un site de fans Français de l’univers Grim Fandango, suivez le guide.
Un podcast de une heure et demie, consacré à Grim Fandango ? C’est chez l’incontournable Caz’Rétro.
N’hésitez pas à lire d’autres tests de Grim Fandango Remastered, notamment chez Gamekult ou Journal du Gamer.
Pour acheter Grim Fandango Remastered sur PC, c’est chez Good Old Games ou Steam.
Pour les moins doués, les low gamers, ou l’auteur de ce test, voici la soluce de Grim Fandango.
Pour en savoir plus sur le Jour des Morts, fête Mexicaine dont s’inspire Grim Fandango, c’est par ici ou par là.
- Ambiance démentielle !
- Durée de vie gigantesque pour le genre.
- Le commentaire audio, traduit en Français.
- Un remake visuellement fainéant.
- Pas très bien optimisé.
- Attention, c'est dur.