Les limbes sont beaux dans Limbo.
Limbo nous propose d’incarner un petit garçon plongé dans un monde d’ombre et de douleur. Il se réveille, sorte de silhouette à peine humaine, sans vraiment savoir où il se trouve ni ce qui suit. Et encore moins ce qui l’a emmené à devoir éviter des pièges mortels. Le petit garçon marche, tant bien que mal, contre obstacles et adversités, dans les limbes…
Limbo fut, avec Braid, à l’origine du décollage d’un mouvement vidéo-ludique indépendant, qu’on a vu devenir un véritable deuxième marché pour ce média. Cherchant à renouveler la notion de narration, tout en essayant de perfectionner des gameplays anciens en les adaptant aux possibilités actuelles, ces deux jeux de plateforme en 2D tentent d’apporter une fraîcheur à une industrie qui se noie sous les titres AAA. Limbo tente donc une approche de la narration plus fine, moins explicite, ce qui explique que beaucoup n’y ont rien vu d’autre qu’un jeu de plate-forme au design glauque.
Le paragraphe suivant contient des spoilers.
Alors que Limbo contient une histoire, que le joueur peut capter implicitement puis comprendre. Tout d’abord, qu’est-ce que les limbes ? Selon la religion catholique, ce serait un lieu entre le Paradis et l’Enfer, où les enfants reposeraient quand ils meurent sans avoir été baptisés. Soulignons qu’il existerait plusieurs « étages » dans ce lieu supposé, et que cette doctrine est contestée par l’Église depuis 1984. Nous jouons un petit garçon, et les décors rappellent incontestablement des environnements terrestres. Alors que le joueur suit une route assez dégagée de tout piège, il aperçoit une petite fille, sous une cabane, qu’il ne peut approcher. Cette fillette est la clé de l’histoire. Le garçon continue son chemin, incapable de rejoindre celle qui semble être sa sœur, ou en tout cas quelqu’un de proche. Limbo nous invite à traverser une rivière, et nous demande d’affronter un gardien à huit pattes, ce qui constitue encore des références à la religion catholique. Les pièges s’enchaînent, et on remarque que l’un de ceux les plus présents en ce début de jeu est une série de pneus brulés. Le cœur du jeu se déroule, les décors changent, glissant d’une forêt à une usine, en passant par des égouts ou une scierie. En tout cas, on termine par une phase où l’engrenage est ultra-présent, la mécanique qui tourne, qui roule. L’automobile. Le petit garçon finira par devoir traverser une vitre, à grande vitesse, afin de rejoindre sa sœur sous la cabane. Le choc est violent, on comprend que l’enfant est peut-être mort sur le coup. C’est au joueur de faire le lien entre toutes ces informations, mais il semble évident que Limbo raconte un drame de la route qui aura tué une fillette, alors que le frère erre dans les limbes afin de l’y retrouver.
Fin des spoilers.
Limbo est un jeu à la fois lugubre et envoûtant. Son ambiance visuelle, toute en clair-obscur, est un régal pour les yeux et permet des reliefs de toute beauté. On pense notamment au cinéma expressionniste Allemand, comme Le Montreur D’Ombre, ou encore l’américain et culte La Nuit Du Chasseur qui utilisent le même procédé. Notre avatar, par exemple, est noir comme une ombre, et seuls ses yeux viennent lui apporter un contraste blanc. L’effet est saisissant, voir utile dans certains passages plongés dans le noir, histoire de se situer à l’écran. Les décors de Limbo ne sont pas en reste, la forêt du début est un environnement remarquable, très travaillé. On pourra d’ailleurs regretter qu’aucun autre décor que l’on visite par la suite ne retrouve ce niveau d’enchantement morbide. Les oreilles aussi en prennent pour leur grade, mais pas comme on pouvait s’y attendre. Pas de thème musical dans Limbo, mais un mix sonore très précis de bruitages qui contribue à l’installation d’une atmosphère troublante.
Limbo est certes une réussite artistique, mais le jeu ne serait rien sans un gameplay bien réglé. La physique est lunaire, moins qu’un Little Big Planet (et tant mieux), mais plus qu’un Super Mario Bros. Elle convient très bien au level design, peu exigeant mais jouant sur des effets de surprise. Ces moments d’étonnement font que mourir dans ce jeu devient vite une habitude. Empalé, écrasé, déchiqueté, noyé, notre avatar prend cher mais, là aussi, de manière minimaliste : pas d’effusion de sang mais une animation parfois très démonstrative. Oui, on échoue dans Limbo, mais c’est du « die and retry » bien pensé, bien encadré par des sauvegardes automatiques jamais trop éloignées ou trop rapprochées. De même, on ne meurt jamais autrement que par mégarde, jamais à cause d’un passage mal calibré, si bien que la courbe de progression du joueur est assez jouissive. Certains casse-tête, faisant appel à la maîtrise de l’apesanteur, sont bien retors mais s’avèrent tout à fait maîtrisables une fois le mécanisme bien assimilé. Le skill, l’expérience du joueur, est ainsi mis à l’épreuve. Notamment quand on relance le jeu pour un second run, histoire d’essayer de prolonger le plaisir en fouillant de fond en comble l’univers de Limbo.
Cette phase de « rejouabilité » de Limbo arrive malheureusement assez tôt. Car voilà le seul souci de cette pépite : sa durée de vie. Comptez trois heures pour le boucler, quatre pour le terrasser avec tout les secrets trouvés et succès débloqués. C’est peu, donc il est recommandé de foncer sur ce grand moment du jeu indépendant lors des soldes Steam. Pour moins de 10€, ce serait dommage de passer à côté de Limbo.
- La direction artistique fabuleuse.
- Le gameplay très bien calibré.
- L'histoire touchante.
- La durée de vie très courte.