Shovel Knight, des qualités à la pelle.
Shovel Knight nous fait vivre les aventure d’un chevalier armé d’une pelle, dont le quotidien idyllique, aux côtés de sa bien-aimée Shield Knight, se résume à explorer le monde pour en dégoter des trésors sonnants et trébuchants. Mais un jour, alors que les deux aventuriers prospectent dans la Tour du Destin, ils sont pris au piège par une mystérieuse et surpuissante amulette maudite. A son réveil, Shovel Knight ne peut que constater que sa dulcinée s’est volatilisée, alors que la tour est désormais scellée. Endeuillé, le chevalier s’isole et se destine à finir sa vie dans un chagrin infini. Pendant ce temps, le pays est en proie à un Mal grandissant et représenté par l’Enchanteresse, qui libère la Tour du Destin de son sceau afin de plonger le territoire dans le désespoir total. Alors que la situation devient critique, des monstres apparaissant de plus en plus près des villages, notre héros reprend du poil de la bête en se persuadant que Shield Knight, sa mie, est toujours vivante et attend d’être libérée. L’aventure reprend de plus belle, mais elle sera parsemée d’obstacles : les huit membres de l’Ordre des Sans Quartiers, des chevaliers corrompus par le Mal, doivent être terrassés par Shovel Knight avant d’atteindre l’ignoble Enchanteresse.
Shovel Knight a créé l’émotion du fait de sa naissance, un Kickstarter ayant largement dépassé son objectif. Son développeur, Yacht Club Games, a ainsi réussi à lever pas moins de 311 502 dollars, pour une campagne en demandant « juste » 75 000. Un véritable phénomène, qui aura réussi à titiller les amateurs de jeux de plateforme à l’ancienne, tant et si bien que de nombreux buts supplémentaires furent ajoutés, comme un moteur physique plus développé. Le problème, avec ces jeux au financement participatif, est que le client sait combien il met de sa poche, mais il ignore à la fois le résultat final et sa sortie. Shovel Knight s’est fait attendre, avec de nombreux mois de retard au compteur. Heureusement la transparence du studio, et du directeur de jeu Sean Velasco, a évité les foudres implacables des Internautes de s’abattre sur ce projet courageux. Le jeu fut, entre-temps, annoncé non seulement sur PC, mais aussi sur WiiU et 3DS, le constructeur Nintendo ayant flairé là une bonne occasion de démontrer leur attachement au monde du développement indépendant. Shovel Knight faisait monter l’attente autour de lui, au point d’être carrément espéré comme l’un des incontournables du mouvement néo-rétro.
Dès ses premiers instants, Shovel Knight nous replonge à l’époque des goûters Galak et Seven Up, au coeur des années 80, quand les manettes ne possédaient que deux boutons d’action. Son histoire fait la part belle à une morale basique, bon enfant et pure, et finalement très secondaire même si elle contribue évidemment à l’univers. Via des écrans fixes, le scénario nous est conté, la nostalgie tourne à plein régime notamment grâce à la bande son de très grande qualité, puis on passe au jeu en lui-même. Comme promis par Sean Velasco, le fruit de son travail est un jeu de plateforme 2D, qui rassemble des codes pris dans différentes variantes de ce genre qui fut roi en d’autres temps. On est autant dans un jeu à la Ghosts’n Goblins, dont le game design est fait pour mettre les nerfs à rude épreuve, que dans un mélange d’action et d’aventure comme pouvaient le proposer les énormes Metroid. A cela, on ajoute une bonne dose de culte, avec Duck Tales dont Shovel Knight reprend quasiment le système de canne rebondissante, ou encore Super Mario Bros 3 dont la carte a servi de modèle. Le tout est jeté à la marmite, avec un soin particulier porté sur la volonté de rendre le soft à la fois difficile mais accessible pour les joueurs récents.
Shovel Knight sert alors un repas très éloigné de la simple séance de vague à l’âme, réunion tupperware de vieux briscards plongés dans le spleen. Contrairement à d’autres softs, la seule nostalgie n’est pas la substantifique moelle. Non, le jeu se déguste d’une manière beaucoup plus fraîche, avec une véritable intention de proposer une sorte de menu best of de tout ce que le genre plateforme peut offrir, tout en le relevant avec une grosse dose de modernité. Le premier niveau, et l’expérience de jeu qu’il propose au premier abord, résume tout. Parfait pour bien comprendre l’excellent gameplay de Shovel Knight, il se permet d’être à la fois didactique et transparent. On n’a jamais l’impression d’être pris par la main, l’action ne s’arrête pas pour nous signifier lourdement « hey voilà ce qu’il faut faire ». Ceux qui ont pesté contre Navi dans Zelda Ocarina of Time, sauront à quel point ça peut être fatiguant d’être interrompu toutes les deux secondes par un développeur qui ne croit pas en le talent de son joueur. Bref. Les particularités de l’arme du héros, une pelle, sont très bien mises en avant. Le coup horizontal est évidemment le premier qui sort, mais bien vite l’atout principal de notre preux chevalier s’avère être le coup sauté, tête vers le bas en dirigeant le stick vers cette direction, et qui pourfend squelettes ou autres blobs. Mais surtout, la manipulation permet de rebondir en même temps sur eux afin d’atteindre des zones inaccessibles avec le simple saut. On sent que les membres de Yacht Club Games sont des anciens de chez WayForward, boîte qui a donné… le remake de Duck Tales, qui utilisait le même genre de procédé. Shovel Knight remplace la canne par une pelle, et en perfectionne les sensations en faisant de l’exercice sautillant un pur plaisir très précis. Autre exemple d’apprentissage bien mené : comprendre que le chevalier peut exploser des murs secrets, sur le même modèle que Castlevania : Symphony of the Night. Ça se fait par le biais d’un passage dédié, où l’on est obligé de défoncer l’une de ces murailles pour avancer. L’esprit du joueur fait tilt, et se rappelle d’autres murs croisés pouvant être détruits, ce qu’il fera sans se priver en relançant le niveau après l’avoir bouclé, afin de trouver dans les décombres de quoi remplir son porte-monnaie voir carrément des items secrets. D’ailleurs, recommencer un niveau est un vrai bonheur dans Shovel Knight, tant l’apprentissage du joueur connaît une forte courbe et donne des résultats immédiats.
Ce premier niveau de Shovel Knight nous fait aussi goûter à la mort, enfin sauf si on est un surdoué du pad. Et là, on remarque que le soft a intégré le fait que la difficulté trop poussée, qu’on supportait voilà bien longtemps, a pris un vrai coup de vieux et ne fait plus recette auprès des joueurs. Alors, les développeurs ont décidé de ne pas donner de « vies » limitées qui, une fois le compteur arrivé à zéro, débouchent sur une reprise du jeu à son début. Mourir n’entraîne pas de game over dans Shovel Knight et on se contente, tant bien que mal, de recommencer depuis le précédent point de sauvegarde, mais non sans payer un petit tribut à la grande faucheuse. Chaque échec est sanctionné par la perte d’une partie de votre magot, que vous pouvez récupérer à l’endroit exact où vous l’avez perdu si vous ne perdez pas entre-temps. Toute ressemblance avec Demon’s Soul est évidement voulue. Au bout du niveau, se trouve l’antre du boss, dont les patterns très précises mais parfois assez déroutantes, rappellent fortement les sensations qu’on pouvait avoir dans les Megaman. D’ailleurs, dans Shovel Knight, ces combats de fin de level se situent toujours dans un écran fixe, sorte d’arène en 2D renforçant l’impression de duel et la ressemblance avec le robot de Capcom.
Shovel Knight n’est cependant pas un jeu facile, très loin de là, que les puristes, apeurés par ce qui est écrit plus haut, se rassurent. Perdre est effectivement une possibilité infinie, mais n’enlève en rien la difficulté éprouvée sur pas mal de passages. Les différents niveaux reprennent certains environnements classiques du jeu de plateforme. On pense notamment à l’inévitable niveau aquatique et sa physique lunaire, ou encore l’éternel level glacé forçant le joueur à penser chaque mouvement, avant d’en admirer la glissade qu’il provoque. Autant de pièges qui vous feront criser à pas mal d’endroits, faisant ressentir la fameuse impression de fierté quand le joueur réussit enfin à passer la difficulté. Que c’est bon de retrouver ce sentiment de satisfaction ! Pour les plus teigneux, qui voient d’un mauvais œil l’idée de disséminer des points de sauvegarde dans les niveaux, qu’ils sachent que rien ne les retient de les détruire, purement et simplement. Briser ces checkpoint est définitif, c’est à dire que vous perdez la possibilité de recommencer à partir de ce point. Pour vous récompenser de cette prise de risque, Shovel Knight vous offre gracieusement un trésor. C’est à vous de bien mesurer les conséquences de cet acte…
Shovel Knight possède un système monétaire, et vous propose donc de pouvoir dépenser ces deniers durement récupérés dans les niveaux principaux ou bonus, que ce soit dans un village ou auprès d’un vendeur cachés dans un recoin de niveau. Acheter des modifications pour la pelle histoire de profiter d’un coup concentré en maintenant le bouton d’attaque, craquer pour une armure annulant le recul qu’un coup reçu provoque, s’offrir cette relique permettant de balancer une boule de feu à l’autre bout de l’écran, ou encore dépenser sans compter pour augmenter votre énergie ou votre magie, les occasions de se faire plumer ne manquent pas. On regrette juste un choix douteux, celui lié aux conteneurs à « ichor », un liquide vous permettant de profiter d’un bonus. Au nombre de deux, ces calices se remplissent gratuitement, auprès d’un gigantesque poisson. Oui, gratuitement, et l’offre est renouvelable à volonté. Ces liquides peuvent, au choix, vous permettre de remplir votre barre de vie et de magie, vous donner un effet d’aimant afin d’attirer les trésors à vous, ou encore vous faire profiter d’une invincibilité totale mais limitée à dix secondes. On aurait aimé que cette possibilité se paie, histoire de trouver une utilité supplémentaire aux magots récoltés, mais l’ouverture à un public élargi est à ce prix. Rien de grave évidemment, seulement Shovel Knight peut s’en trouver un peu déséquilibré.
Avec Shovel Knight, le joueur un peu lassé de la vague des productions indépendantes faisant la part belle aux pixels sera pris au dépourvu. Le level design, parfois bien vicieux, est parfaitement soutenu par une technique qui ravit les yeux. Tout en dégradé, le rendu est parfois au sommet de ce que le rétro sauce 8 bits peut offrir de mieux, comme l’avant-dernier niveau sous une pluie acide. Les effets ne paient pas de mine mais un sentiment de maîtrise domine. Pour faire simple, c’est beau et ça prouve que faire du pixel peut être une solution quand on ne l’utilise pas exclusivement pour surfer sur la nostalgie du gamer de plus de trente ans. Effet encore plus positif : Shovel Knight tourne sur des PC bas de gamme à la perfection, le test ayant été effectué sur un PC portable ridicule (AMD Dual-Core E1-2500, AMD Radeon HD 8240, 4 GB DDR3) sans pour autant que ça ne provoque un début de ralentissement. Quand à l’ambiance sonore, alors là sortez les casques car la bande son s’adresse autant aux fans de chiptune qu’aux nostalgiques des musiques inoubliables qui ont bercé nos parties de Nintendo, mais aussi aux simples amateurs de bons sons. Le vieil adage du « premier niveau réussi, la musique aussi » est de retour, et ce n’est pas une mauvaise chose tant ce thème principal reste longtemps dans la mémoire, du genre à se siffloter dans la douche même après un réveil difficile. Le travail de composition effectué par Kake Kaufman, compositeur notamment de quelques morceaux sur Retro City Rampage, est à saluer chaleureusement. Shovel Knight est un régal autant pour nos mirettes que nos esgourdes, et ce sur toute sa durée.
Car Shovel Knight vous met à table pour un festin qui peut varier entre cinq et six heures, selon vos aptitudes, votre compétence. Une durée de vie loin d’être ridicule, surtout qu’après la fin se débloque un « new game + » bien retors, qui rehausse encore la difficulté. A cela, on peut ajouter encore quelques heures afin de bien retourner les niveaux, dans le but de collecter des partitions de musique à revendre au barde du village, ou trouver tous les easter egg. Et pour les plus téméraires, se lancer dans une partie ultime, en se donnant comme objectif de ne pas périr une seul fois, ou encore de faire fi de toutes les améliorations, afin de débloquer l’un des nombreux « exploits » (équivalent des trophées/succès sur console), peut demander une préparation faisant exploser le compteur de minutes passées sur Shovel Knight. Si vous accrochez au jeu, vous êtes partis pour une expérience pouvant atteindre au moins la quinzaine d’heures, et là on parle d’un chiffre énorme pour le genre plateforme. Signalons une spécificité à la version téléchargeable sur 3DS : un mode multijoueurs grâce à la fonction Streetpass, permettant d’affronter le chevalier d’autres personnes possédant le soft, et même de filmer l’affrontement afin de l’échanger contre une autre vidéo avec un de vos amis. L’option n’a pas été testé, donc nous n’assurons pas la qualité de ce mode de jeu. Mais gageons qu’il ne diminue en rien la durée de vie de Shovel Knight.
- Un modèle de gameplay réussi.
- Durée impressionnante pour le genre.
- Difficulté très bien dosée.
- Euh...