Revivre The Binding Of Isaac avec Rebirth.
Dans The Binding of Isaac : Rebirth, nous incarnons un tout petit garçon fuyant sa mère folle furieuse. Cette dernière, fanatique religieuse, regarde des émissions catholiques à la télé et semble de plus en plus louche. Un jour, des voix intérieures lui intiment l’ordre de « purifier » son fils Isaac, qu’elle croit corrompu. Tout d’abord en le débarrassant de tout objet : jouets, et même sa couche. Les voix ne se contentent pas du résultat, et demandent à la mère d’enfermer Isaac dans sa chambre, ce qu’elle fait. Les voix ne sont toujours pas satisfaites, et ordonnent à la maman de prouver son amour de Dieu par un sacrifice. Isaac voit, par un trou dans la porte, sa mère se diriger vers la cuisine pour s’emparer du plus long de ses couteaux. Terrorisé, le petit garçon cherche une issue et trouve une trappe sous son tapis, le menant dans les méandres de Rebirth.
Rebirth était annoncé comme le remake fidèle aux envies originelles de Edmund McMillen dans son The Binding Of Isaac. Ce dernier, sorti en 2011, fut un succès retentissant, se créant une grosse communauté de joueurs tombés sous le charme de ce roguelike (ces jeux basés sur la génération aléatoire des niveaux et les game over rapides) extrêmement bien fignolé. A fond dans le principe du « facile à prendre en main mais difficile à maîtriser », la difficulté du jeu rappelait le cruel Super Meat Boy, lui aussi développé par McMillen. Un niveau certes élevé, mais toujours juste car uniquement basé sur la courbe de progression du joueur, qui devait apprendre les mécanismes des ennemis tout en découvrant au fur et à mesure les effets de bonus innombrables et aléatoires. Ainsi, certains joueurs dépassaient allégrement les 300 heures de jeu afin de découvrir tous les items, débloquer tous les personnages, terminer tous les défis et assister à toutes les fins. Le gameplay étant un modèle du genre, la fanbase n’a pas décroché avant d’avoir retourné le jeu de fond en comble. Et Rebirth arrive comme étant la version définitive de tout ça.
L’histoire de Rebirth donne le « la » à tout le jeu, tout en se faisant très discrète une fois l’introduction terminée. La direction artistique nous fait côtoyer un univers anxiogène, tout droit issu de l’esprit choqué du pauvre Isaac. Ce n’est pas tous les jours qu’on joue un enfant se défendant de monstres dérangeants à l’aide de… ses larmes. Cet univers visuel de Rebirth est soutenu par une refonte technique, McMillen pouvant enfin donner à son jeu l’aspect 16-bits, néo-rétro, qu’il désirait. Le résultat n’est pas bluffant mais tout à fait satisfaisant, surtout que les animations ont été, elles aussi, retravaillées, plus détaillées. On peut donc s’émerveiller devant un tas de crottes, ou un monstre de chair tout droit sorti du film Society en toute quiétude. Hum. Signalons la possibilité d’appliquer un filtre lissant pour les allergiques aux pixels, mais le rendu flou gâche un peu l’expérience. La progression technique amène aussi une nouveauté dans les salles aléatoires, certaines proposant une taille bien plus grande que d’autres. L’ambiance sonore a, elle aussi, été modifiée mais cette fois-ci avec moins de réussite. Disons-le clairement, le changement de compositeur (pour cause de brouille avec McMillen) donne lieu à une petite déception. Ça reste sombre et rythmé, mais ça n’atteint jamais les sommets de l’OST originale qui se plaçait entre Danny Elfman et Super Meat Boy. Rien de bien grave, c’est même très écoutable, mais rien ne dit qu’on passera des centaines d’heure sur Rebirth sans éteindre la musique afin de la remplacer par les thèmes originaux.
Passé la découverte technique, Rebirth déballe le grand jeu. Le gameplay garde sa simplicité, le joueur contrôle la direction des tirs vers les quatre points cardinaux, et un effet brossé est possible en déplaçant Isaac. Le petit bonhomme répond exactement au doigt et à l’œil, la hitbox est toujours aussi précise : tout dans ce domaine est exemplairement réglé. L’intégralité du contenu de The Binding Of Isaac, ainsi que de son add-on Wrath Of The Lamb, est de retour, complété par une gigantesque mise à jour du contenu. Le marketing annonçait « 500 heures de jeu », et on peut dire que ce n’était pas mensonger, du moins pour les fous du déblocage. Le jeu ajoute notamment des nouveaux monstres et boss, plus d’une centaine d’items, trois personnages à débloquer en remplissant des critères très précis et multiplie les fins. Un mode deux joueurs en local, pas très folichon mais toujours bon à essayer, fait son apparition. Les succès internes au jeu sont dorénavant innombrables, tout comme les défis spéciaux, et obtenir le 100% des collectables, via un journal intégré, vous demandera bel et bien du temps. Beaucoup, beaucoup de temps. Et un wiki en permanence à proximité, car Rebirth garde la philosophie de The Binding Of Isaac en sollicitant l’expérience et la mémoire du joueur. Par exemple, tous les items récupérés apparaissent dans le journal, mais pas leurs effets. Et comme ces objets peuvent autant être bienfaisant que nocifs, vous avez tout intérêt à jouer de façon consciente, histoire de vous rappeler que cette seringue de stéroïdes augmente vos statistiques de vitesse et de portée, mais que ce chat mort vous enlève des cœurs. Évidemment, les items s’additionnent, donnant lieu à une infinité de possibilités et assurant à chaque run un côté original. Donc la gestion des objets fait toujours partie des mécanismes à intégrer au plus vite, histoire de voir un jour une des seize fins de Rebirth.
Car Rebirth reste un jeu difficile. Edmund McMillen a toutefois décidé d’ajouter un mode « normal », histoire de ne pas trop décourager les nouveaux venus. Que les puristes se rassurent de suite, il ne s’agit que d’un choix d’édition pour élargir le public ciblé, le mode « hard » correspondant aux sensations originales. Le schéma est toujours le même : des niveaux découpés en salles (coucou The Legend Of Zelda) et un boss au bout de celles-ci afin de descendre au niveau suivant, et rebelote jusqu’à la confrontation finale avec la mère d’Isaac. Là où Rebirth devient tactique et retors, c’est dans le choix de visiter telle ou telle salle. Par exemple, vous n’avez plus qu’un cœur et le chemin jusqu’au boss vous est ouvert. Vous pouvez visiter des salles en espérant obtenir de l’énergie après un combat, ou avoir peur de ce dernier donc foncer à la fin du niveau. Les salles spéciales sont toujours de la partie, et certaines apportent des modifications bienvenues. Le magasin dispose maintenant d’une donation permanente, dont les effets seront d’agrandir et parfaire l’offre du vendeur. Bien utile, et ça rajoute de l’intérêt à la chasse aux pièces d’or. Tous ces endroits vous aideront, ou pas selon la volonté de l’aléatoire, à atteindre le plus souvent possible la fin de Rebirth.
Rebirth est donc un modèle de jeu généreux. La réussite du The Binding Of Isaac original est magnifiée par la possibilité qu’a eue Edmund McMillen d’aller au bout des choses, d’intégrer la plupart des idées mises de côté dans la première version. On remercie l’éditeur Nicalis, auteur de Cave Story, d’avoir donné la possibilité à cette figure atypique du paysage vidéo-ludique la possibilité d’aller au bout de sa vision. Complète à en donner le vertige, l’expérience est dorénavant un peu plus accessible et plus fignolée grâce au nouveau moteur. Les limites du flash se faisaient sentir, il faut bien l’avouer, aujourd’hui elles ne sont qu’un lointain souvenir. La possibilité de quitter un run et le recommencer exactement au même endroit, ou encore la mise en place d’un support manette sur PC, sont des exemples typiques de ce qu’apporte ce remake : tout pour gâter le joueur de Rebirth. Avant de le faire rager comme rarement en titillant son côté masochiste. On attendait de pied ferme un grand jeu, on l’a eu.
- Très généreux dans le contenu.
- Durée de vie énormissime.
- Un modèle de gameplay réussi.
- Musiques un peu décevantes.
- Mode coopération paresseux.