Transistor, quoi de neuf au poste ?
Dans Transistor, le joueur incarne Red, une illustre chanteuse de la ville de Cloudbank. Cette cité, aux atours futuristes rappelant des éléments de circuit électrique, est malheureusement la cible d’un mystérieux groupe terroriste : la Camerata. Celle-ci est à l’origine d’une attaque meurtrière qui coûte la vie d’un jeune homme et laisse littéralement sans voix la belle Red qui semble très proche de la pauvre victime. A son réveil, aux côtés du corps inerte, la jeune femme s’empare de l’étrange épée qui transperce le présumé défunt et s’aperçoit que l’arme, nommée Transistor, s’adresse à elle avec la voix du jeune homme. Alors que Red erre dans les districts de Cloudbank, motivée par une envie d’en découdre avec les responsables de son état muet, elle se rend vite compte que la Camerata a mis au point une armée robotique : le Process. Red, armée de l’imposante Transistor qui la guide à travers une ville au crépuscule de sa superbe, veut en savoir plus. Et rien ne l’arrêtera dans son impitoyable élan.
Avec Transistor, nominé aux Game Awards 2014 catégorie jeux indépendants (avec Broken Age, Shovel Knight, Monument Valley et The Vanishing Of Ethan Carter), on retrouve le studio de développement Supergiant Games, formé par des anciens de chez Electronic Arts, qu’on avait quitté avec un Bastion très bon mais un poil surcoté. Dans le présent jeu, on retrouve beaucoup de ce qui a fait le succès du jeu phare du Summer of Arcade 2011. Transistor et Bastion partagent leur genre, l’action/RPG à la sauce aventure, et une vue en 3D isométrique qui rappelle immanquablement certains jeux de l’époque 16 bits. Mais, surtout, les deux jeux partagent une volonté de passer par une narration auditive, voix off dans Bastion, paroles du coéquipier dans Transistor. Petit détail qui a son importance : Logan Cunningham, le narrateur du premier jeu de Supergiant Games, revient dans le second pour interpréter la voix de la puissante épée. Une volonté de raconter des histoires autrement, donc directement dans les phases de gameplay pour diminuer les phases cinématiques. Petite différence, Transistor sera, lui, exclusif aux consoles Sony et aux PC, Mac, Linux, la Xbox One étant encore une fois laissée pour compte, ce qui commence à être une mauvaise habitude du côté des jeux indépendants.
Transistor serait donc un simple copier/coller de Bastion, à la sauce futuriste ? Pas vraiment. Beaucoup de choses sont loin de sentir le réchauffé et tentent d’affiner une formule qui fut gagnante mais assez redondante. Dans Transistor, on débute en récupérant une épée bien massive, tellement imposante que Red, l’héroïne chanteuse sans voix (toute ressemblance avec une certaine Axelle est évidemment fortuite), doit la tenir pointe au sol pour pouvoir se déplacer. On rencontre un cadavre d’habitant de Cloudbank, et on récupère sur son corps une sorte d’orbe qui fait office de technique d’attaque à insérer dans l’arme Transistor. Par exemple, un coup en forme de tir lointain et transperçant, ou encore un uppercut idéal et destructeur pour le corps à corps. Chacune de ces orbes disposent de trois effets : en arme principale, en effet secondaire ou en mode passif. Chacune de ces fonctions est à gérer dans un inventaire un peu fouillis et qu’on peut consulter uniquement à certains endroits précis de Transistor. Toutes ne peuvent pas être utilisées en même temps : seules quatre attaques peuvent figurer à votre manette, tandis que chacune peuvent profiter d’effets secondaires. Tout dépend d’un système d’endurance, qu’on peut rapprocher du système de poids du sac dans les RPG traditionnel : si vous avez seize points d’endurance, alors l’intégralité des attaques allouées ne doivent pas dépasser ce total. Simple, et ça apporte une très légère touche tactique à Transistor, même s’il faut reconnaître que, une fois maîtrisé, le système de combat devient bien redondant, tout en ne se renouvellant jamais.
Le joueur de Transistor s’aperçoit donc des pouvoirs tout à fait impressionnants de l’épée, et débute alors la prise en main du système de combat. On rencontre souvent des hordes de robots, et si on peut leur reprocher d’être tous très semblables, on peut dire qu’ils servent de cibles à un exercice de la bataille plutôt agréable mais répétitif à la longue. Dès lors que les ennemis cybernétiques apparaissent, une arène se forme et l’échauffourée peut débuter. Dans Transistor, le joueur peut gérer la situation de deux manières : en direct ou dans une sorte de tour par tour qui rappelle furieusement le fameux système VATS de Fallout 3 et New Vegas. Même procédé, vous appuyez sur le bouton dédié qui bloquera les ennemis à l’écran, avec un bel effet, et vous disposez d’un compteur de mouvement pour pouvoir défoncer de l’automate avec plus de calme. Mais une fois sorti de cette phase, et quand les coups auront été donnés, vous êtes à la merci des ennemis de Transistor car il faudra attendre que le compteur se recharge pour pouvoir se relancer dans une attaque. Vous pouvez aussi décider de partir à l’abordage en temps réel, en utilisant les boutons d’attaque et en faisant fi du compteur, mais cette approche n’est sans doute pas la plus recommandée quand on avance un peu dans Transistor.
Si Transistor ne va pas jusqu’à être une promenade de santé, on ne peut pas dire que ce soit non plus un jeu qui donne des sueurs froides. D’ailleurs, on peut très facilement terminer le jeu, à son premier run, en ne mourant pas. Une fois qu’on a compris comment approcher les batailles, lorsqu’on a bien étudié les patterns des ennemis, quand on a bien capté qu’attaquer dans le dos est synonyme de plus de dégâts via des bonus, tout comme enchaîner des coups différents pour créer un combo, on peut dire que Transistor n’offre pas de réel challenge. Des petites punitions sont prévues, comme perdre une arme quand on arrive au bout de sa barre de vie, mais comme rien n’est définitif et qu’on retrouve le coup perdu au prochain inventaire, on peut dire qu’on traverse le jeu plus ou moins les doigts dans le pif. Mais les développeurs ont prévu le coup pour ceux qui aimeraient un Transistor plus dur, avec un système de malus assez intéressant de par sa façon de laisser au joueur la liberté de se construire lui-même son mode de difficulté. Quand vous terminez un combat, vous gagnez de l’expérience comme dans tous les RPG. Puis, quand vous gagnez un niveau, vous avez vite un choix à faire dans trois catégories : armes, effets constants (comme gagner en endurance ou ouvrir de nouvelles cases d’effet secondaire) et les effets « limiteurs ». Ces limites forment donc un système de désavantages, qui ajouteront pas mal de difficulté aux combats, tout en faisant gagner plus d’expérience. C’est plutôt bien vu, et ceux qui trouvent Transistor trop proche d’une belle ballade dans un univers travaillé pourront revoir leur jugement.
Justement, parlons de l’ambiance de Transistor. Véritable réussite, elle donne au jeu le cachet nécessaire pour être plus qu’un petit jeu sympathique. Visuellement c’est sans fausse note, c’est beau sans être une claque, fin et très stylisé. D’ailleurs, signalons que le jeu sur PC propose un mode en 720p qui demande très peu de ressources et fera le bonheur des possesseurs d’ordinateur les plus humbles (test effectué sur un portable AMD Dual-Core E1-2500, AMD Radeon HD 8240, 4 GB DDR3). L’univers de Transistor est intéressant, on traverse la cité de Cloudbank avec plaisir. Seulement, on aurait aimé encore plus de détails, de possibilités d’exploration. Mis à part la rencontre avec des terminaux, qui font office de moyens de communication de la presse locale, disséminés ici et là, on n’a pas grand chose à faire d’autre que de passer d’une zone à l’autre. La voix de Transistor est une belle façon de remplacer un guide touristique, mais sa force d’évocation n’est pas suffisante. On ne demande pas le descriptif jusqu’au-boutiste d’un Shenmue, ni même un soucis du détail à la The Vanishing Of Ethan Carter, mais on regrette que ces somptueux décors ne soient finalement rien d’autre que des rencontres éphémères, assez vite oubliées, à l’image de l’appartement de Red. Moins de retenues pour l’ambiance sonore trip-hop, qu’on doit à Darren Korb (aidé de Ashley Barrett au chant) et qui est un régal pour les oreilles du début à la fin de Transistor.
Au final, Transistor est un chouïa décevant, notamment à cause d’un gameplay vite répétitif et d’une ambiance certes de qualité mais pas assez poussée dans ses interactions pour réellement marquer les mémoires. La durée de vie, quant à elle, dépend beaucoup de ce que le joueur veut accorder au jeu. Voir la fin, assez émouvante au passage, de Transistor peut vous prendre quatre à cinq heures, en ligne droite et sans difficultés ajoutées. Mais aller dans tous les recoins pour trouver tous les terminaux, et s’accorder quelques limiteurs, peut plus ou moins jouer sur le compteur d’heure passées sur le soft. Et, si vous tombez raide dingue du charme de Red, Transistor propose un « new game + » à la difficulté rehaussée, qui vous permettra par la même occasion de pousser l’évolution de votre personnage à son maximum.
Retrouvez d’autres tests de Transistor, notamment chez Gamekult et Gameblog.
- Ambiance pleine de personnalité.
- La relation entre Red et Transistor.
- La fin, pleine de sentiments.
- Gameplay répétitif à la longue.
- Exploration décevante.
- Inventaire fouillis.