Un pour tous, tous pour Nidhogg ?
Nidhogg nous propulse dans la peau d’un escrimeur pixellisé, pourfendant d’autres épéistes dans un obscur tournoi. En parallèle, le fameux dragon Nidhogg, monstre de la mythologie nordique, fait surface et menace d’engloutir tout ce qui a le malheur de lui tomber sous le nez. Mais ce désastre n’est pas suffisant pour stopper votre ascension, mieux, vous profiterez de la situation afin d’atteindre les sommets de Nidhogg.
Nidhogg est une sorte de légende dans le milieu du jeu indépendant. Empilant les distinctions dans divers salons spécialisés, dont le très reconnu Indiecade, le soft se baladait de villes en villes depuis 2010 mais ne sortait pas, histoire de se perfectionner à l’ombre des titres majeurs. Mark Essen, l’un des cofondateurs de Messhof, préférait lancer le jeu une fois parfaitement réglé, notamment dans son gameplay qui semblait ne jamais le satisfaire, en véritable perfectionniste que le développeur est. Il convient donc d’affirmer que nous accueillons aujourd’hui, sur Playstation 4 et PSVita, alors que la version PC est en ligne depuis début 2014, une véritable arlésienne du jeu-vidéo, entourée d’une aura de jeu culte. Réputation méritée pour ce Nidhogg ?
Nidhogg fait le choix d’un minimalisme technique que certains appellent artistique, sorte de monochrome pour exposition branchouille Parisienne, tout en surfant comme rarement sur la mode du néo-rétro. C’est simple, ce qui tourne sous nos yeux serait indigne d’un bon vieil Amstrad CPC 6128, c’est dire. Certes, ce jusqu’au-boutisme est courageux, le problème est que ça fait surtout mal aux yeux. Notre avatar, un escrimeur jaune mal dégrossi dont l’excroissance blanche constitue le fleuret, fait vraiment peine à voir. Les animations ne sont pas horribles en soi, c’est même soigné à ce niveau, mais le design très particulier rebutera à coup sûr une bonne partie du public de ce Nidhogg. Le choix des couleurs, notamment, est à déplorer, car se retrouver avec un jaune très clair sur un fond blanc n’est pas du tout de bonne augure pour la compréhension de l’action. Une direction artistique très particulière, une bouillie de pixels, qui est à peine relevée par une musique parfois bien enivrante, mais à d’autres moments très agaçantes. Dynamique, la bande son s’adapte aux situations de jeu et l’un des objectifs de Mark Essen, qui était de proposer des parties de Nidhogg à chaque fois originales musicalement parlant, est atteint.
Mais c’est surtout grâce à son gameplay que Nidhogg a fait sa réputation. Là encore, c’est assez troublant car rien ne vient vraiment conforter ce fait. Votre mousquetaire jaune canari dispose de trois gardes : haute, moyenne et basse, que vous choisissez rapidement avec « haut » ou « bas » de votre manette. Passer d’une garde à l’autre, avec un timing précis, pourra désarmer l’adversaire qui sera entièrement à votre merci. Un bouton pour pointer jusqu’à ce que mort s’ensuive, un autre pour sauter, et voilà. Quelques subtilités, comme une attaque sautée, ou encore le lancer d’épée quand votre garde est haute sont à noter. Mais attention, car sans votre fleuret vous vous sentirez nu comme un ver, plus rapide mais à la merci de l’allonge de votre adversaire. Heureusement, vous pouvez récupérer votre arme à terre, que ce soit la votre ou celle d’un de vos avatars précédemment terrassés. On le voit, c’est très simple, et Nidhogg est plutôt sympathique à maîtriser à la longue, à défaut d’être jouissif, les petites subtilités devenant de véritables armes létales avec un peu d’entraînement.
Car le véritable, énorme, souci de Nidhogg se trouve dans ses modes de jeu. Un mode solo, un mode multi en local, et un en ligne. Voilà, c’est tout. Dans le mode solo, vous devrez passer sur le corps de plusieurs ennemis, de plus en plus redoutable jusqu’à une fin assez terrifiante pour les nerfs. Le but du jeu, comme dans les autres modes d’ailleurs, est d’atteindre le bout du niveau, c’est-à-dire tout à droite. Donc en battant l’IA, qui réapparaît un peu plus loin sur le chemin, de façon automatique (le fameux « respawn ») et plus ou moins rapidement afin de rendre votre calvaire le plus douloureux possible. Et pareil dans l’autre sens, si l’IA vous terrasse vous réapparaitrez un peu plus loin, sur le chemin de l’ennemi, afin de l’empêcher d’atteindre sa fin, qui se trouve tout à gauche. C’est donc une véritable bataille de territoire qui s’enclenche, et on ne peut pas nier un certain rythme dans les parties. Mais le véritable intérêt de Nidhogg se trouve dans son mode multi en local, avec possibilité d’organiser des tournois. Sur le même écran, les parties peuvent durer des heures et le gameplay peut mieux dévoiler sa légère profondeur. On passe son temps à taper sur l’épaule de son pote (ou le contraire) après avoir désarmé son adversaire, avant de l’achever avec fracas. Divertissant. Quand au mode en ligne, le constat est le même sur PC, Mac, Playstation 4 et PSVita : le lag gâche totalement l’expérience de jeu, donnant même lieu à des situations particulièrement farfelues : l’adversaire est devant vous, vous préparez l’attaque avec soin, vous allez faire mouche c’est certain… Et hop en fait le rival vous a déjà tué et arrive au bout de l’écran, non sans vous charrier bruyamment dans votre casque. La rage à l’état pur. On fera donc totalement l’impasse sur le online, ce qui est une véritable déception pour ce Nidhogg.
Le serpent de mer Nidhogg s’avère donc être une expérience très insuffisante en terme de contenu, et n’est pas du genre à gâter les rétines. On peut trouver quelques satisfactions dans la maîtrise du gameplay et les quelques heures de jeu en multi local peuvent assurer un minimum d’amusement, mais au final tout ceci ne constitue pas un ensemble complet et solide. Pire, le prix d’achat est un véritable scandale, bien trop élevé vu le résultat, et finira de rebuter un public possiblement hésitant : comptez 13 euros et 99 centimes pour vous approprier le soft. Certainement, un peu moins en périodes de soldes Steam, voir Playstation Network, mais ça n’atteindra certainement le juste prix pour une telle offre, limitée en terme de matière. Impensable, bien évidemment, de craquer à plein pot pour ce Nidhogg décidément bien surcoté.
- Le gameplay simple et efficace.
- Mode multi en local, fun.
- L'ambiance sonore dynamique.
- Contenu largement insuffisant.
- Visuellement affreux.
- Le prix !