Ça aussi, ça passera – Milena Busquets

Critique de Ça aussi, ça passera de Milena Busquets. L’insoutenable disparition de l’être.

Ça aussi, ça passera, je l’ai choisi sur l’étal de ma librairie préférée pour des raisons extérieures à toute considération littéraire. Milena Busquets, l’auteur, rassemble tout simplement le prénom de ma fille et le nom d’un joueur du Barça ! Etrange attelage que j’ai tenté de conjurer en me renseignant un tout petit peu sur Ça aussi, ça passera pour ainsi apprendre que ce roman était une sorte de phénomène international depuis le salon du livre de Francfort en 2014. Il paraît ces jours-ci en France dans une excellente traduction. Le hasard de mon choix allait-il me faire découvrir une réussite littéraire?

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Un deuil impossible?

Ça aussi, ça passera évoque un deuil, une disparition. Celle de la mère de la narratrice Blanca, la quarantaine, dont elle assiste, au début du roman, à l’enterrement, à Cadaquès, là où elle a vécu, là où, chaque été, se rassemblait toute sa famille. La disparition de sa mère, son enterrement, provoque chez Blanca le besoin de faire une pause dans sa vie, la raconter, la quarantaine venue, le moment des remises en question. D’où sa première décision: celle de revenir vivre à Cadaquès, c’est l’été, et d’y convier tous ses proches : ses deux ex-maris, ses deux enfants, ses deux amies et son seul amant qui, lui, habite tout près! On ne sait jamais et puis le sexe…

C’est fait. Ma mère est morte. Je crois que je vais m’installer à Cadaquès. Maintenant que tu vis ici, c’est mieux. (fin du chapitre 1)

(début du chapitre 2) A ma connaissance, la seule chose qui ne donne pas la gueule de bois et met entre parenthèses la mort – comme la vie – c’est le sexe (Ça aussi, ça passera, p.14-15)

Une légèreté et une franchise incroyables

Ça aussi, ça passera, vous l’aurez compris, n’est pas un roman mélancolique loin de là. Même si Milena Busquets utilise un double registre narratif pour dérouler son récit (un à la première personne, l’autre à la seconde personne comme une adresse à sa mère morte, la prenant à témoin des conséquences de sa mort sur sa fille), la pesanteur du deuil n’envahit pas trop sa prose qui sait s’en échapper avec légèreté en brossant le quotidien de son héroïne, Blanca et de cette famille élargie dont elle décrit avec saveur les arcanes, les discussions, les désirs non éteints, les moments de confidence. Légèreté aussi des relations de Blanca avec les hommes qui constituent presque un roman dans le roman tant les échanges de toutes sortes affleurent et la grande connaissance de l’âme masculine et de ses ressorts de séduction transparaissent, amusent, émeuvent et finissent par la laisser dans la vie. Mais ce besoin léger en apparence en recouvre un autre plus profond.

Tout l’amour de mes amis et de mes enfants ne suffit pour que je puisse résister aux violentes rafales de ton absence, j’ai besoin d’être agrippée à un homme pour ne pas être emportée dans les airs. (Ça aussi, ça passera, p.96)

Qu’elle assume avec ses deux ex-maris avec qui il lui arrive encore parfois de coucher, avec Santi, son amant et avec cet inconnu entrevu au cimetière dont elle rêve puis va faire plus ample connaissance.

Passé et présent s’entremêlent avec finesse

Ça aussi, ça passera raconte le retour sur soi, le récit intime de la sensualité d’une femme, cette « infinie légèreté de l’être » qui se déroule dans un paysage de carte postale: la mer changeante, le village entièrement vêtu de blanc se recroquevillant autour de son église, la chaleur forte et bienveillante. Là, au fil des épisodes de cet été, que Blanca vit à fond, se greffent des instants du passé, à travers des rencontres, des lieux qu’elles croisent à nouveau, des chiens dont la compagnie lui est indispensable, instants du passé qui la ramènent à sa mère qui vit toujours, là-bas dans le cimetière tout proche, et avec laquelle elle a tissé une relation forte, presque absolue.

Et tout ça, ça va passer?

Ça aussi, ça passera renvoie, nous raconte Blanca, à un empereur de Chine qui réunit un jour tous les sages de son Empire pour leur poser la question suivante : trouvez-moi une phrase que je puisse servir dans toutes les circonstances de la vie.

Les sages s’étaient retirés et avaient passé des mois et des mois à réfléchir. Enfin, ils étaient revenus et avaient dit à l’empereur: « Nous avons trouvé la phrase et c’est celle-ci : ça aussi, ça passera ». (Ça aussi, ça passera, p.174)

Avec un côté sans y toucher, toujours empreint d’une légèreté troublante, Milena Busquets sait finement évoquer dans Ça aussi, ça passera « le souvenir nu et blessé d’un adieu » et instiller dans les sentiments et l’esprit des lecteurs cette question qui traverse ce livre à la fois poignant et drôle : finalement Ça aussi, ça passera?

D’autres avis sur Ça aussi, ça passera :

http:/http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Du-monde-entier/Ca-aussi-ca-passera

http://www.motspourmots.fr/2015/05/ca-aussi-ca-passera-milena-busquets.html

Ça aussi, ça passera - Milena Busquets
Blanca, 40 ans, vient de perdre sa mère. Un point sur sa vie, sur le passé et la vie qui se poursuit, légère, fraîche et sensuelle.
Histoire
Style
Personnages
On aime bien
  • Superbe chronique familiale
  • Blanca, tempêtueuse et nostalgique
On aime moins
  • L'épilogue inutile
3.7L'avis
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