Critique – Un faux pas dans la vie d’Emma Picard – Mathieu Belezi

Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, une tragédie algérienne.

Un faux pas dans la vie d’Emma Picard clôt la trilogie « algérienne » de Mathieu Belezi. Après C’était notre terre et Les vieux fous, il revient sur les terres algériennes avec Un faux pas dans la vie d’Emma Picard qui raconte l’arrivée et les difficultés rencontrées par une veuve, Emma Picard, accompagnée de ses quatre fils en 1866 dans l’ouest algérien.

La terre dans Un faux pas dans la vie d’Emma Picard

A la mort de son mari, Emma Picard reçoit une ferme et deux hectares de terre en Algérie. Elle y débarque en 1866 et entreprend rapidement avec l’aide de ses fils et de Mékika, son ouvrier algérien de mettre en valeur cette terre. Un faux pas dans la vie d’Emma Picard raconte le courage de cette femme seule au milieu d’une terre hostile et des éléments de la nature qui ne vont pas l’épargner. Un faux pas dans la vie d’Emma Picard  s’ouvre d’ailleurs sur une adresse au lecteur ainsi qu’à son fils Léon, mourant.

Mais avant de me taire, il faut que je dise dans quel enfer on nous a jetés, nous autres colons, abandonnés à notre sort de crève-la-faim sur des terres qui ne veulent et ne voudront jamais de nous (Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, p.11)

Un faux pas dans la vie d'Emma PicardLa terre se montre en effet hostile dans Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, aussi bien par le climat hostile qui va ruiner à plusieurs reprises les récoltes de la famille Picard que par le coup du sort qui les frappe à l’arrivée d’un immense nuage de sauterelles qui ravage tout sur son passage. Un faux pas dans la vie d’Emma Picard retrace donc les tourments de cette famille que rien ne semble épargner à tel point qu’Emma Picard regrette le choix qu’elle a fait de venir ici…

[…] si elle avait pu deviner le plaisir que prendrait cette terre d’Algérie à tourmenter nos chairs de colon si mal préparées aux turpitudes des étés sahariens, si j’avais réagi avec moins de naïveté à tout ce qu’on me promettait, peut-être n’en serais-je pas là aujourd’hui (Un faux pas dans la vie d’Emma Picard p.172)

Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, un ostinato convaincant

Un faux pas dans la vie d’Emma Picard se lit sous la forme d’une longue adresse aux survivants (les lecteurs?) et à son fils Léon, seul rescapé de cette tragédie humaine dans l’Algérie coloniale. Un ostinato où reviennent les plaintes sur le sort qui s’est acharné sur sa famille, à tel point qu’elle renonce à un moment à sa foi chrétienne, et sur la culpabilité qu’elle porte comme une croix. Pourquoi en effet a-t-elle cru cet homme à cravate qui lui a conseillé de venir là?

[…] et je me demandais pourquoi j’avais eu cette idée de les entraîner en Algérie, alors qu’ils auraient si bien grandi en France, mes deux fils, mes deux pauvres fils, qu’est ce que moi, leur mère, je me devais de faire pour les sauver, eux? (Un faux pas dans la vie d’Emma Picard p. 241)

Une plainte simple, honnête, qui donne à son récit ce qu’il faut de tragique, une plainte d’impuissance à féconder cette terre ingrate qui redouble de sortilèges pour l’empêcher de récolter les fruits de son dur labeur. Une plainte qu’exhale tout son corps meurtri et fourbu par les longues journées de courage à replanter ce que le soleil a brûlé ou que la violence des orages a dévasté. Une plainte qui, parfois, s’interrompt pour s’adresser directement à son plus jeune fils Léon qui, à ses côtés, écoute sans répondre, témoin de la tragédie que rend fort bien cette forme de récit dans Un faux pas dans la vie d’Emma Picard.

Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, un roman historique?

Malgré une implantation géographique et historique bien marquée, Un faux pas dans la vie d’Emma Picard n’est pas un roman historique. Il ne contient pas en effet d’éléments historiques saillants qui puissent apporter une meilleure connaissance du monde colonial en Algérie. Certes, il apparaît dans Un faux pas dans la vie d’Emma Picard sous la forme d’usuriers qui lui prêtent de l’argent ou de l’instituteur et du prêtre, seules présences institutionnelles qui agissaient dans bien d’autres endroits et notamment en métropole. On perçoit aussi quelques algériens qui partagent les mêmes difficultés que la famille Picard et qu’elle nourrit pendant deux jours.

[…] et puis ils se redressaient sur leurs genoux, prenaient nos mains, les caressaient, les portaient à leur front en signe de reconnaissance…tu sais Léon, tu sais combien je suis sensible, combien je pleure facilement, combien la misère des autres me déchire le cœur, eh bien comme tu peux t’en douter, j’ai fini moi aussi par pleurer (Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, p. 187)

Mais on sent surtout dans Un faux pas dans la vie d’Emma Picard l’envie de raconter, à travers cet épisode algérien qui se déroule à un moment où la colonisation en Algérie a traversé de multiples épreuves, un historien Pierre Darmon affirmant même qu’entre 1866 et 1868, la population en Algérie qui s’élève à 2,9 millions d’habitants a perdu 500 000 habitants du fait de multiples catastrophes (sécheresse, invasion de sauterelles, tremblements de terre, maladies, …), la tragédie d’une femme, seule, qui résiste, qui se bat, ici en Algérie comme elle aurait pu le faire dans n’importe quel coin du monde. Et c’est cela qui rend ce livre si intéressant!

http://seren.dipity.over-blog.fr/2015/01/douce-france-sur-un-faux-pas-dans-la-vie-d-emma-picard-de-mathieu-belezi-une-lecture-critique-de-stephane.html

Critique - Un faux pas dans la vie d'Emma Picard - Mathieu Belezi
Un faux pas dans la vie d'Emma Picard raconte les difficultés auxquelles est confrontée cette famille qui arrive en Algérie pour cultiver la terre.
Style
Personnages
Histoire
On aime bien
  • Le style
  • Le caractère d'Emma Picard
On aime moins
  • La répétition de la culpabilité
3.8Note Finale
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