Hendaye est le premier roman de Marcos Eymar, dans lequel un porteur de valises cherche son identité à Hendaye et par delà les Pyrénées. Notre critique.
Hendaye est le premier roman de Marcos Eymar, jeune professeur de l’université d’Orléans. En bilingue accompli, il décrit dans son roman les voyages de Jacques, qui transporte des valises de la France vers l’Espagne mais qui cherche également de quel côté de la frontière est sa véritable identité. Hendaye, passage frontière, a reçu le prix Vargas Llosa. Alors prêts à franchir les frontières? Critique.
A la frontière de plusieurs genres
Hendaye s’ouvre dans un bar. Jacques, le principal protagoniste du roman, est assis à une table, un verre de brandy à la main, en train d’échafauder comment il devra raconter son histoire aux hommes qui ne manqueront pas de venir l’interroger bientôt sur son activité qui consiste à transporter des valises de la France vers l’Espagne. Un trafic illicite de contrebande dans lequel il se débat bien malgré lui. D’emblée, le lecteur est plongé dans une atmosphère de roman policier avec les bars louches, les trafics divers et les interrogatoires dans les parkings souterrains, de préférence la nuit. Mais limiter Hendaye à cela serait réducteur et omettrait de souligner que ce roman flirte avec d’autres genres comme Jacques avec les frontières. Avec le roman mémoriel tout d’abord car Jacques est un homme sans histoires dans tous les sens du terme: il ne connaît pas bien les arcanes de son passage en France une nuit de Février 1959, dans le ventre de sa mère et il quitte l’anonymat d’un emploi de facteur pour sombrer dans l’alcool et jouer les porteurs de valises par delà les Pyrénées, frontière qui va lui permettre, peut-être, de renouer avec un passé qui, faute de le connaître, lui plombe l’existence. Ambitieux premier roman qui s’inscrit aussi dans la longue lignée de romans espagnols qui interroge cette période douloureuse pour la mémoire qui a suivi la guerre civile espagnole.
Un style et un récit singuliers
Hendaye obéit au régime du double. Le narrateur, le double de Jacques, attend avec inquiétude l’arrivée imminente de ceux (flics, voyous?) qui vont chercher à le délester de son histoire, et cela sans doute sans ménagement. Alors Carlos Eymar passe quelquefois du tu au il, du passé au présent, comme une habile manœuvre qui donne au roman une tension, un suspense mais transmet également cette interrogation continuelle sur les motivations réelles de Jacques qui l’ont poussé à accepter ce trafic comme un espoir ultime de reconquérir l’Espagne et sa mémoire familiale. Le style est lui-même traversé par le bilinguisme de Jacques qui ne choisit pas entre les deux langues et les phrases foisonnent de ce bilinguisme.
On faisait de sacrées fiestas. Il fallait tout olvidar: la guerre, la faim, tout. Todo la noche, on buvait comme des Polacos. Nous dansions, nous dansions jusqu’à ne plus tenir debout.Hendaye, p.62
Tout ceci garde le lecteur en alerte jusqu’aux vingt dernières pages dans lesquelles on perçoit le retour du linguiste et l’effacement du romancier lors de la visite de Jacques à la sépulture de Goya, certes lui aussi admirateur des deux pays et des deux langues, mais dont l’arrivée ne cadre ni avec la personnalité de Jacques, ni avec le fond de sa recherche plus viscérale que cérébrale. Dommage car Hendaye avait su déployer d’indéniables et de prometteuses qualités.
Un autre avis sur Hendaye : http://ole-regionlr.fr/?p=8981
- Le style
- L'ambition de ce roman
- La fin trop calculée