Notre critique de La Reine, le Moine et le Glouton, le nouveau roman philosophie de Shafique Keshavjee, qui vient de paraître chez Points.
La Reine, le Moine et le Glouton est le troisième volet d’une trilogie commencée en 1998 avec Le Roi, le Sage et le Bouffon, suivi en 2004 de La Princesse et le Prophète, chaque roman pouvant être lu indépendamment des autres. Même Royaume, mêmes personnages mais nouvelle Trinité et interrogations. Le Roi, en pleine quête spirituelle et désireux de connaître enfin la Vérité, organise un grand débat des convictions à l’Université. Pendant plusieurs jours, chaque invité viendra exprimer et défendre sa vision du monde devant un auditoire passionné et avide de connaissances. Quatre personnes vont animer cette discussion publique et tenter de répondre à des questions religieuses et philosophiques sur le fondement de nos sociétés. La Reine, Le Moine et Le Glouton vont-ils parvenir à coexister en chacun de nous ? Quelles réponses va nous apporter ce roman ?
Keshavjee, Pasteur et écrivain
Petite présentation de l’auteur pour commencer : Shafique Keshavjee, né au Kenya, est d’origine indienne et vit actuellement en Suisse. Dans sa jeunesse, il a suivi des études de Théologie et de Sciences politiques à Lausanne avant de devenir Pasteur et Professeur d’Université. Il se consacre actuellement à 100% à l’écriture. Par ses études, il a naturellement été confronté aux débats sur les religions, leurs points communs et leurs divergences fondamentales. Le grand débat des convictions dont il est question ici et qui occupe la majeure partie du roman, est ambitieux et on en attend beaucoup, d’autant plus que l’auteur travaille à l’Arzillier, un lieu dédié au dialogue entre les religions.
Dans La Reine, Le Moine et Le Glouton, le débat est mené par un chercheur en biologie, une jeune diplômée en indologie, une mathématicienne croyante et le doyen de la faculté de philosophie. Au programme : des discussions sur l’écologie, la sexualité, l’espérance, l’argent, la mort et, bien entendu, la spiritualité.
La philo-fiction
Les délibérations des érudits sont, comme dans les autres volets de la trilogie, intégrés à une histoire qui mêle attentat, crise de couple et drames familiaux. La famille royale doit faire face à de terribles épreuves, politiques bien entendu, mais aussi personnelles, à commencer par la maladie de leur fille Salomé. La jeune Princesse est atteinte d’une leucémie – épreuve douloureuse connue de Keshavjee qui a perdu un fils, emporté par le cancer. Les questions de la Vie et de la Mort sont donc très présentes, au-delà du débat. L’auteur a d’ailleurs une très jolie formule « Nous ne sommes pas entre la Vie et la Mort, mais entre la Vie et la Vie », prononcée par la Princesse qui clame toute sa force et son espoir.
Keshavjee à l’art de philosopher sans (trop) nous assommer et soulève des questions très actuelles sur les croyances, la politique et la cohabitation des peuples. Le Royaume qu’il décrit n’étant ni nommé ni situé, il acquiert une dimension universelle et permet au lecteur de le façonner et de s’y projeter. Empruntant au conte de fées et au roman initiatique, La Reine, le Moine et le Glouton nous ouvre grand la porte de la spiritualité. Si ce roman est « servi par une plume magnifique » (Fémina), nombreux sont les intrigues, sous-intrigues et rebondissements qui épaississent la vie des personnages . Trop pour que l’on s’y attache et que la lecture reste fluide et abordable. On ne peut que louer les messages d’espoir et de tolérance présentés dans La Reine, le Moine et le Glouton, ses débats rondement menés et ses symboles rejetant la facilité. Mais on décroche irrémédiablement devant l’affluence d’informations qui brouillent la vision au lieu de nous éclairer. Et surtout, le résultat est décevant : tant de questions et si peu de réponses…
Pour d’autres articles sur La Reine, le Moine et le Glouton, c’est ici, et là aussi.
- Les questions soulevées sont très intéressantes
- L'approche à la fois philosophique et religieuse
- Le texte est trop dense
- On est comme noyé sous les informations