Emmanuel Carrère – Limonov
Je voudrais vous présenter le dernier roman d’Emmanuel Carrère, Limonov paru en 2011 et distingué par le prix « Renaudot » de la même année.
Mais d’abord quelques mots sur l’auteur. Emmanuel Carrère est un écrivain et scénariste français, aussi l’auteur des livres comme La Moustache (1986), La classe de neige (1995), Un roman russe (2007), D’autres vies que la mienne (2009) pour n’en citer que quelques précédents. Lui-même parisien, les grands-parents maternels d’Emmanuel Carrère sont d’origine russe, d’où probablement son intérêt pour l’histoire, la culture et la pensée russe ainsi que pour la vie en Russie en général.
Limonov est la biographie d’Éduard Limonov, un dissident et écrivain russe. Mais quelle biographie ? Né dans la famille d’un officier NKVD dans les profondeurs de l’Ukraine soviétique, Éduard passe sa jeunesse en rodant avec des groupes de malfrats et des bohèmes de province, mais cela ne le satisfait pas. Son seul désir c’est de devenir quelqu’un d’exceptionnel, un héros. Il s’en va à Moscou, puis à New York, il pense quitter l’Union Soviétique pour toujours. À New York, il ne vit pas l’Amercain dream, mais la vie d’un chien. Il s’en sort et s’installe à Paris où il joue, pour quelques temps un écrivain à la mode. Et il finit par retourner en Russie, pour y fonder le parti national-bolcheviste. Je passe à coté des détails et vous laisse découvrir le reste de l’histoire.
Ce n’est pas une lecture facile. En suivant Limonov de son enfance, jusqu’à sa vieillesse, l’auteur nous promène à travers l’histoire politique de l’Union Soviétique et on arrive dans la Russie d’aujourd’hui où au final, rien n’a changé dans la manière dont est faite la politique. Il s’agit de quelque chose qui est difficile à comprendre si on ne l’a pas vécu.
Mais ce qui demande le plus grand effort de la part du lecteur, c’est bien de s’identifier à Limonov. Il s’agit là d’un homme comme nous, mais ses objectifs nous restent incompréhensibles, il va toujours contre-courant et montre très peu de chaleur humaine. Même l’auteur a du mal à s’identifier au personnage de Limonov, on voit qu’il hésite, il ne veut pas prendre position, il ne veut pas juger le héros de son roman. Mais on voit également qu’il essaie de s’identifier à lui, il essaie de le comprendre, de trouver des points communs entre lui-même et son protagoniste. Les livres que tous deux ont lu dans leurs enfance par exemple, et l’influence qu’ils ont eu sur eux. J’aime beaucoup la façon d’écrire de Carrère. C’est un auteur qui se laisse voir dans son œuvre, il ne s’efface pas derrière son écriture. Cela ajoute une dimension supplémentaire à ses livres, un coté personnel qui le rapproche du lecteur.
Pour résumer, je dirais que c’est une lecture qui demande de la concentration, mais qui est en tout cas enrichissante et de laquelle on a beaucoup à apprendre.