Malorie Blackman, l’auteure de la série Entre chiens et loups, revient avec une dystopie : Les Insurgés. Réussite ou échec? Réponse dans cette critique d’un livre plein de surprises.
En 2272, Kaspar a 17 ans et, pour sa plus grande joie, il vient de décrocher son diplôme faisant de lui un Gardien, un soldat d’élite. Le jeune homme a décidé, à l’instar de ses parents disparus, de vouer sa vie à la protection des citoyens de l’Alliance face aux attaques des Insurgés, un groupe de combattants et terroristes du peuple des Croisés. Si l’Alliance dirigée par 21 Haut-Conseillers prône la paix, la quiétude, l’harmonie, et surtout la vie humaine comme principe absolu et comme « bien le plus précieux » en refusant catégoriquement de tuer, les Insurgés eux n’hésitent pas à commettre des attentats et à tuer pour parvenir à leurs fins. Jugés violents, inaptes à vivre en harmonie avec la nature qu’ils maltraitent, et expansionnistes, les Croisés/Insurgés vivent dans les Malterres, un territoire hostile à l’origine fertile qu’ils ont eux-même détruit et transformé en « terre volcanique, aride et abandonnée » en voulant dompter les plaques tectoniques à l’aide d’outils nucléaires. L’événement détruisit pratiquement la planète et tua des milliers de personnes. Malgré une vaine tentative afin de coexister pacifiquement, l’Alliance fut contrainte de repousser les Croisés vers les Malterres ce qui provoqua chez les Insurgés l’envie de reconquérir le territoire de l’Alliance par la force, ce qu’il tentent de faire depuis des dizaines d’années au moment où Kaspar prend ses fonctions de Gardien. Intelligent, doté d’un grand sens de l’observation et confronté à plusieurs attentats et actes de sabotages de la part des Insurgés, le jeune homme va peu à peu s’interroger sur les motivations de ces derniers qui semblent avoir un comportement incohérent et incompréhensible. Aidé de Mackenzie, une documentaliste-analyste, il va tenter de répondre à de nombreuses questions et finir par découvrir une réalité à laquelle il ne s’attendait pas et qui va remettre en cause tout ce en quoi il croyait. Que veulent réellement les Insurgés, quel est leur but? Pourquoi l’une d’entre elle, Rhéa, lui sauve-t-elle la vie? Les Insurgés sont-ils aussi malfaisants que ce que l’on veut lui faire croire? Qui sont-ils réellement? L’Alliance a t-elle des choses à cacher?
Qui est Malorie Blackman, l’auteure des Insurgés?
Avant d’entrer dans le vif de cette critique, permettez-moi de vous présenter brièvement l’auteure des Insurgés. Malorie Blackman est une écrivaine britannique née en 1962 spécialisée dans la littérature jeunesse et adolescente. D’abord programmeuse informatique, c’est en 1990 qu’elle publie son premier livre intitulé Not So Stupid. Dès lors, elle écrira de très nombreux romans traduits dans plusieurs langues. Pour ma part, c’est en 2005 que je découvre Malorie Blackman avec sa tétralogie Entre chiens et loups qui semble avoir marqué une grande partie des lecteurs qui l’ont lue tout comme elle m’a marquée. Cette série qui a rencontré un immense succès raconte une histoire d’amour interdite et complexe entre Callum, un jeune homme blanc faisant partie des Nihils, la strate inférieure de la société, et Perséphone, une jeune femme noire faisant partie des Primas, la strate supérieure d’une société strictement divisée en fonction de la couleur de peau de ses citoyens. Après cette tétralogie, Malorie Blackman continue de se faire connaître en France avec La couleur de la peur ou Boys don’t cry. En 2015, l’auteure britannique reconnue publie Les Insurgés dont voici un avis.
Les Insurgés : une dystopie
Les Insurgés est une dystopie (à l’instar de Divergente tome 1, tome 2 et tome 3 ou The Hunger Games dont nous avions fait la critique des films : The Hunger Games, The Hunger Games: l’embrasement et Hunger Games : la révolte partie 1) qui se déroule dans un monde post apocalyptique. Pour rappel, le Larousse nous dit qu’une dystopie est une « Société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une idéologie néfaste ». Dans Les Insurgés nous avons affaire à une société qui paraît, de prime abord, parfaite, idéale et hamonieuse qui a réussi à survivre et à se reconstruire après un cataclysme planétaire causé par « les méchants » Insurgés. Partant de ce point de vue, les personnages qui vivent dans ce système ont la conviction suivante : l’Alliance c’est le bien, les Insurgés c’est le mal. La vision que l’on nous présente est très manichéenne. Evidemment, dès lors qu’il n’y a pas de nuances, il est légitime de se poser des questions et c’est ce travail que Kaspar va entreprendre pour nous. En devenant Gardien et en se battant contre les Insurgés, il va être confronté à des éléments qui ne collent pas avec ce qu’on lui a inculqué tout au long de sa vie. Avec l’aide de Mackenzie, Kaspar est le personnage qui va petit à petit remettre en cause toutes ses certitudes et découvrir des secrets qu’il est dangereux de mettre au jour et auxquels il n’était pas du tout préparé. Au détriment de sa carrière qu’il chérit pourtant et de sa vie, il pose trop de questions, est trop obstiné et fait trop de recherches pour ne pas devenir une menace. Comme dans toute dystopie, cette société de l’Alliance qui semblait idyllique à la base va révéler un côté beaucoup plus sombre, mêlant mensonge, manipulation, complot, horreur et cruauté. A l’inverse, les Croisés et leurs Insurgés ne sont peut-être pas si dangereux qu’il n’y paraît. A travers les yeux de Kaspar, le lecteur qui fait face à de vrais mystères, mène lui aussi l’enquête et tente de démêler le vrai du faux. Un conseil en lisant Les Insurgés : ne vous fiez jamais aux apparences.
Un récit très rythmé et plein de surprises
S’il y a bien un livre qui ne souffre pas de temps morts, c’est bien Les Insurgés. Le roman commence à peine que l’on plonge déjà dans le cœur de l’action avec un premier attentat qui surgit dès les premières pages, et ce n’est que le début. Tout au long du livre les événements, les découvertes et les révélations vont s’enchaîner à une vitesse folle. Evidemment, ce rythme effréné maintient le lecteur en haleine à tel point que pour ma part dès que je devais refermer le bouquin je n’avais qu’une seule envie : m’y replonger pour connaître la suite. Si l’action est omniprésente et les rebondissements constants, il faut tout de même reconnaître que parfois, il aurait été intéressant de ralentir le rythme des Insurgés ne serait-ce que pour souffler mais surtout pour approfondir certains aspects du roman qui ne sont qu’effleurés. Il aurait par exemple été bon de développer plus longuement certains personnages, leurs relations et leurs histoires personnelles. Malgré ce petit bémol, il faut saluer la performance de Malorie Blackman de nous livrer une dystopie très resserrée, en un seul tome, qui soit malgré tout assez détaillée et très efficace. Par comparaison, Divergente ou The Hunger Games sont des trilogies. Notons aussi que Malorie Blackman ne laisse rien au hasard dans son récit très bien ficelé. De temps en temps elle évoque des éléments qui peuvent sembler insignifiants sur le moment mais qui sont réutilisés et prennent tout leur sens quand la lecture des Insurgés est plus avancée.
Comme vous l’avez compris, Les Insurgés joue aussi sur les effets de surprises et les rebondissements. S’ils sont présents tout au long du livre, c’est à la fin qu’on atteint des sommets en la matière. Evidemment, le lecteur peut se douter de certaines choses grâce aux indices laissés par l’auteure, mais la fin reste, quoi qu’il arrive, très surprenante et imprévisible. J’ai vraiment apprécié de me laisser surprendre à ce point. Entre surprises, révélations et émotions fortes, l’épilogue est très réussi et totalement inattendu. J’émettrais néanmoins une réserve à propos de la conclusion des Insurgés en mentionnant qu’il s’agit d’une fin ouverte qui ne dit pas comment les choses vont évoluer après l’ultime révélation. J’aurais aimé en savoir plus car il y a matière à prolonger encore un peu le récit pour ne pas laisser le lecteur sur sa faim.
Pour conclure, Les Insurgés est un roman dystopique très efficace et bien pensé qui ne souffre d’aucune longueur. Malorie Blackman réussit une fois de plus à nous embarquer dans une histoire sombre et à nous faire ressentir des émotions fortes sans cesser de nous tenir en haleine.
Pour en savoir plus sur Les Insurgés :
- La fin inattendue
- Le rythme soutenu du récit et l'absence de longueurs
- Le manque d'approfondissement de certains aspects
- La fin trop ouverte