Les stagiaires de Samantha Bailly nous offre un regard sur de futurs diplômés qui se confrontent pour la première fois au monde de l’entreprise. Ils sont stagiaires, un statut peu évident. Critique d’un livre intéressant.
Les stagiaires (le livre et non pas le film avec Vince Vaughn et Owen Wilson) c’est l’histoire de jeunes qui, pour compléter leurs parcours de formation universitaire, deviennent stagiaires chez Pyxis, une entreprise de jeux vidéos et de mangas. Nous suivons ainsi le parcours d’Ophélie, jeune femme de 22 ans originaire de Rennes, qui part s’installer du jour au lendemain à Paris pour intégrer la société au sein du service communication. Ophélie est une bosseuse, qui veut se donner à fond dans l’espoir de décrocher un CDD voire un CDI à la suite de son stage, mais qui ne s’attendait pas à rencontrer autant de difficultés pour trouver un logement dans la capitale. Le second personnage principal est Arthur, un fils à maman accro aux soirées alcoolisées et cocaïnées qui ne manque de rien, pas même d’une copine parfaite qu’il n’hésite pas à tromper à des multiples reprises. Ophélie et Arthur sont stagiaires chez Pyxis au même titre que Hugues, un hipster, Alix une geekette, Vincent le dragueur, et Enissa, l’archétype de la bimbo séductrice et écervelée. Réunis par les circonstances, le petit groupe va découvrir ensemble les codes du monde de l’entreprise et ses revers. Qui aura la chance de décrocher un emploi à l’issue du stage?
La couverture du livre Les stagiaires, dessinée par Boulet.
Avant d’ouvrir cette critique, j’adresse mes remerciements aux éditions Milady qui m’ont permis de découvrir ce livre.
Qui est Samantha Bailly?
Samantha Bailly est un écrivain de 26 ans qui, malgré son jeune âge, n’en est pas à son coup d’essai avec Les Stagiaires. En effet, la jeune femme a publié ses premiers écrits dès l’âge de 19 ans avec La Langue du Silence , premier tome d’une série renommée Oraisons, qui lui a valu de remporter le Prix Imaginales des Lycéens 2011, le prix Jeunesse Marais Page 2011 et le Prix Lire en Chœur 2011. Viendront ensuite, entres autres, les romans Lignes de Vie, Ce qui nous lie et A Pile ou Face ainsi que des contes et des nouvelles. Samantha Bailly est titulaire d’une maîtrise en littérature comparée mais aussi d’un Master professionnel en édition. Si elle a connu un succès immédiat en tant qu’auteure, la jeune femme a aussi officié pendant deux ans en tant que rédactrice chez Ubisoft, une société française productrice de jeux vidéos…. Tiens donc, ne serait-ce pas là une source d’inspiration pour Les stagiaires?
Une histoire très réaliste et actuelle
A travers Les stagiaires, Samantha Bailly retrace le parcours typique, semé d’embûches et finalement très réaliste des stagiaires en entreprise. Au début il y a bien sûr l’exercice périlleux de l’entretien d’embauche. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une embauche mais d’un recrutement pour un stage. Ensuite il y a l’arrivée en entreprise et la difficulté pour trouver ses marques. Il va alors falloir prouver sa motivation et ses capacités dans le but de décrocher un CDD ou un CDI (le Graal ultime), ne pas lésiner sur les heures supplémentaires, ne pas toucher une rémunération décente malgré une charge de travail importante, faire face à des tuteurs plus ou moins disponibles et sympathiques, accepter des tâches peu reluisantes ou passionnantes, apprendre à connaître les nombreux autres stagiaires, etc. Samantha Bailly décrit à la perfection un statut très particulier et pas forcément enviable. Il serait assez vraisemblable de penser que l’auteure, de par son âge, ait elle même été stagiaire et ait vécu certaines situations décrites dans le roman. Le récit est aussi alimenté par l’expérience professionnelle de Samantha Bailly qui a, comme je vous l’ai dit précédemment, travaillé chez Ubisoft, une entreprise de jeux vidéo, comme Pyxis, la jeune société décrite dans Les Stagiaires. Autant dire que le milieu professionnel qu’elle décrit, elle le connaît bien ! Cela donne de la force et du réalisme à son propos. Elle a une connaissance parfaite à la fois du statut de stagiaire mais aussi du monde de l’entreprise, en particulier celui du jeu vidéo. Elle nous décrit en effet une entreprise qui parait cool, très attractive pour de futurs jeunes actifs, qui n’exige pas de ses employés de venir travailler en costume, qui bénéficie d’un chat interne ou qui permet de jouer aux jeux vidéos pendant les pauses. Mais au delà de l’image détendue de Pyxis, les personnages découvrent l’envers du décor, qui n’est pas aussi reluisant que ce à quoi ils pouvaient s’attendre. Au final, Les stagiaires est assez réaliste pour que y retrouviez des situations vécues par vous ou relatées par des personnes de votre entourage. C’est pour ces raisons que ceux qui sont ou ont un jour été stagiaires se reconnaîtront certainement dans ce livre.
Les stagiaires, quatrième de couverture et traces de café…
D’une manière plus générale, Les stagiaires aborde une thématique très actuelle et très parlante pour beaucoup d’entre nous. En effet, chaque année, plus d’un million d’étudiants français intègrent des structures d’accueil pour y réaliser leurs stages. Le 26 juin 2014, la législation concernant l’encadrement de ces stages a d’ailleurs été modifiée dans le but d’éviter les excès et les abus malheureusement trop fréquents et ainsi de mieux protéger les stagiaires et améliorer leurs conditions de travail. C’est dire à quel point Les stagiaires est un livre plus que jamais d’actualité qui aborde un vrai problème de société.
Un double point de vue
Vous l’avez sans doute déjà compris, Les stagiaires n’a pas un mais deux personnages principaux : Ophélie et Arthur. Samantha Bailly nous offre un double point de vue sur une même situation et c’est particulièrement intéressant. On alterne entre la douce Ophélie et Arthur la tête à claques. Évidemment, ils ont une vision des choses qui est diamétralement opposée. Ophélie a les pieds sur terre. Provinciale originaire de Rennes, son premier objectif est de trouver un logement à Paris alors qu’elle n’a pas un sou en poche et que ses parents refusent de l’aider. Elle veut faire ses preuves et est prête à travailler dur pour décrocher un contrat à la suite de son stage. Arthur est un étudiant en école de commerce, issu d’une famille bourgeoise parisienne, il intègre Pyxis pour s’opposer à sa mère qui ne considère pas qu’une entreprise de jeux vidéos et de mangas soit un choix très sérieux. Pour lui, l’entreprise Pyxis représente un stage divertissant, c’est un passage ludique avant de revenir au parcours tout tracé et lucratif dans la finance auquel il est destiné. Arthur est un personnage auto-destructeur qui n’est pas tendre envers ses camarades stagiaires. Ophélie l’a bien compris et se méfie de lui. Malgré sa défiance, elle représente un challenge pour Arthur qui compte bien en faire son quatre-heures… Comment leur relation va t-elle évoluer?
Des personnages très attachants
Les personnages représentés dans Les stagiaires sont très humains et ont vraiment une personnalité qui leur est propre. Les stagiaires ont tous leurs qualités et leurs faiblesses qui les rendent parfaitement humain. Samantha Bailly sait leur donner vie et les rendre réalistes. On a parfois envie de les claquer (surtout Arthur, qui est particulièrement énervant) mais quand on découvre qui ils sont plus en profondeur on éprouve de l’empathie pour eux. Les six jeunes adultes représentés entrent chacun dans des cases stéréotypées : Alix la geek, Arthur le bourgeois fils à maman, Hugues le hipster, Enissa la bimbo allumeuse, Vincent le dragueur un peu naïf et Ophélie la provinciale gentille et travailleuse. Fort heureusement, en se confrontant les uns aux autres, certains vont apprendre à se remettre en question et vont réussir à sortir des cases dans lesquelles ils sont enfermés au début. Bien évidemment, nos protagonistes ne vont pas en rester à de simples relations de travail, et plus l’intrigue va se développer, plus ils vont mêler vie professionnelle et vie personnelle et sentimentale. Dans Les stagiaires, un personnage en particulier a suscité mon intérêt. Il s’agit de Hugues, le mystérieux hipster incapable de se fixer. Samantha Bailly nous en dit peu sur lui : même Ophélie qui est la plus proche de lui pressent qu’il ne dit pas tout. C’est un protagoniste énigmatique sur lequel on n’a pas toutes les réponses et c’est un peu frustrant. Fort heureusement, il semblerait que Samantha Bailly ait annoncé une suite pour Les stagiaires, ce qui permettra de retrouver avec plaisir ces personnages attachants et d’en apprendre plus sur leurs personnalités et la suite de leurs péripéties.
Un style fluide et agréable
Le style de Samantha Bailly dans Les stagiaires est très fluide et très agréable à lire. Pour tout dire, j’ai dévoré le livre en un temps record. C’est très bien écrit et ça se lit très facilement. Il faut savoir que chaque chapitre débute par un extrait de chanson. C’est une sorte de playlist qui vient accompagner la lecture. Je trouve néanmoins dommage que ces paroles ne soient pas traduites quand elles sont transcrites en anglais. Au récit s’ajoutent des mails et des extraits du chat interne de Pyxis sur lequel échangent les stagiaires. Cela vient apporter une dose de réalisme et un aspect ludique à lecture.
Pour conclure, Les stagiaires de Samantha Bailly est un livre agréable à lire. Il raconte d’une manière réaliste et touchante le quotidien de stagiaires, de jeunes adultes, plongés dans le monde de l’entreprise. Beaucoup se reconnaîtront dans l’histoire et dans les difficultés à affronter lorsqu’on est stagiaire, et c’est là toute la force du bouquin. Le sujet traité est tout à fait d’actualité. Je vous conseille de le lire.
Pour en savoir plus sur Les stagiaires :
- Le double point de vue sur l'intrigue
- La description réaliste et très actuelle du statut de stagiaire et du monde de l'entreprise
- Se lit très facilement
- Les personnages un peu stéréotypés au début
- Le glissement trop insistant sur un terrain trop personnel à la fin du roman