Critique du roman La théorie de la tartine, de Titiou Lecoq, aux éditions Au Diable Vauvert. Internet, ses principes taillés en tranches.
Tout le monde connaît la Loi de Murphy, celle de l’emmerdement maximum. Dans le livre La théorie de la tartine, Titiou Lecoq exploite cette idée afin de nous parler d’Internet et de son évolution, de sa démocratisation.
Dans La théorie de la tartine, Marianne, étudiante en DEA, prépare sa thèse sur « le simulacre et le spectacle de Baudrillard et Debord appliqués à Internet ». Autant dire un vaste sujet ! Alors qu’elle vit une douloureuse rupture, elle découvre qu’elle est victime de ce qui est aujourd’hui qualifié de « porn revenge » : son ex-copain a mis sur Internet une vidéo de leurs ébats dans laquelle seule elle est visible. Cette histoire se situe donc au début de YouPorn montrant en filigrane que certaines personnes ont été des victimes collatérales de la création de sites pornographiques. Christophe dirige un site (Vox) qui est malmené par son actionnaire celui-ci souhaitant faire du site un outil capable de générer d’importants profits. Père au foyer d’un enfant de 18 mois, il vit avec la femme parfaite qui préfère s’effacer pour le laisser vivre selon ses convictions et ses rêves. Paul, véritable caricature du jeune hacker asocial en rébellion contre ses parents. Il passe son temps sur Internet, étouffé par une mère omniprésente et un père psychiatre. Ces trois personnages vont créer une alliance incongrue afin de sauver la belle Marianne des retombées de la vidéo postée en ligne par son ex. Suite à cette expérience, ils resteront liés. Ellipse de 10 ans, ils ont vieilli et sont devenus des stéréotypes, la technologie a beaucoup évolué mais au fond pas les personnage de La théorie de la tartine.
Une étude sociologique romancée ?
Si parfois on sent une forme de témoignage de la part de l’auteure, c’est qu’elle a vécu ce changement au premier plan : ceux qui la suivent depuis quelques temps (notamment avec la parution du livre Les Morues en 2011) connaissent son blog Girls and Geeks et noteront un parallèle avec son héroïne hormis en ce qui concerne la sextape. Les personnages de La théorie de la tartine ne sont au fond que des pantins stéréotypés au service d’une plus grande cause : Internet et sa mutation au cours de la dernière décennie.
Un formidable outil à la dérive.
Voici dans le fond le véritable message que Titiou Lecoq souhaite délivrer avec La théorie de la tartine. Après des débuts prometteurs (évasion, connaissance, partage…), Internet est vite devenu la proie d’un capitalisme débridé. Au delà des sujets propres à chaque personnage, l’auteure place le lecteur en position de réflexion autour d’idées tels que le Big Data et ses utilisations parfois abusives, la notion de vie privée sur le Net… En abordant des thématiques que nous subissons tous au quotidien (on pense ici au fichage à partir des informations issues de notre navigation), on sent une part de nostalgie chez l’auteure de La théorie de la tartine, comme un regret de l’époque où 4chan était réservé aux initiés et le masque des Anonymous était encore représentatif du film V pour Vendetta. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le sous-entendu est l’angélisme libertarien des débuts de la démocratisation du Net alors que nous sommes dans une société dans laquelle un grand nombre d’individus souhaiteraient une régulation suite à des dérives. Un exemple récent est celui de Marion, 13 ans, qui s’est pendue suite à des insultes de ses camarades de classe sur Facebook.
Qu’est ce qu’on en pense au final ?
La théorie de la tartine est un roman qui se lit très rapidement, de par son écriture et sa simplicité. Pourtant les personnages sont trop clichés, collant à des idées préconçues et leurs aventures peu excitantes. Si la partie de réflexion est intéressante, le livre n’est pas à recommander aux amateurs de la culture d’Internet. En effet, l’auteur voulant vulgariser les points essentiels de la vie du Net, on peut se sentir frustré devant tant de longueurs. Moins percutant que le précédent roman de Titiou Lecoq, La théorie de la tartine reste un livre agréable, notamment pour une lecture estivale.
Une autre critique de La théorie de la tartine est à lire sur Dailymars.
Le blog Girls and Geeks, de Titiou Lecoq, l’auteure de La théorie de la tartine.
- Le style simple et efficace
- Les pistes de réflexions
- Les personnages clichés
- Une intrigue molle