John Wick, de David Leitch et Chad Stahelski. Attention, ne pas déranger Keanu Reeves.
John Wick, ici critiqué, n’est pas un projet vraiment alléchant à la base, le duo de réalisateurs, David Leitch et Chad Stahelski, n’étant pas vraiment des plus emballants. Le premier est un cascadeur reconnu (deux Awards pour La Vengeance Dans La Peau, au Screen Actors Guild Awards 2007), notamment en charge des séquences d’action de Conan, mais aussi un assistant réalisateur sur Teenage Mutant Ninja Turtles et Escape Plan. Chad Stahelski, avant de travailler sur John Wick, fut réalisateur de seconde équipe sur After Earth, Hunger Games l’embrasement, qu’il a aussi supervisé au niveau des cascades. A ces deux pros des pirouettes chorégraphiées, on ajoute à ce projet un comédien en relance, Keanu Reeves dont le recentrage sur l’action se faisait ressentir avec ses deux rôles précédant John Wick : Man Of Tai Chi et 47 Ronin. On peut donc dire que John Wick n’était pas vraiment attendu pour être autre chose qu’un DTV plus ou moins bien emballé, comme si Dolph Lundgren retrouvait les joies d’une sortie cinéma.
John Wick nous est conté.
John Wick (Keanu Reeves) broie du noir depuis la mort de sa femme, des suites d’une longue maladie. Il passe son temps à conduire sa Mustang 1969, et s’est pris d’affection pour Daisy, le chiot confié par sa défunte bien-aimée. Alors qu’il remplit d’essence son impressionnant bolide, John Wick est accosté par le jeune et impétueux Iosef Tarasov (Alfie Allen, Theon Greyjoy dans Game Of Thrones), qui remarque la bagnole racée. Après avoir refusé l’offre d’achat de Iosef, John Wick rentre chez lui et va pour s’endormir, quand des hommes rentrent chez lui par effraction, agressent violemment le héros et tuent brutalement le chiot Daisy. Sévèrement remonté, et burné, John Wick entreprend de remonter la piste de ses agresseurs, tueurs du dernier souvenir vivant de sa relation avec sa défunte femme. C’est alors que John Wick se révèle être un tueur redoutable, une ancienne machine à tuer déterminée, implacable, qui fut aux ordres de nul autre que Viggo Tarasov (Michael Nyqvist), le père de Iosef.
John Wick, un après-midi de chien.
John Wick débute en nous prenant tout de suite au col, avec fermeté, en posant l’ambiance : les sentiments ne seront pas le point fort du film. Les premières minutes du film sont dédiées à ce qu’on sait du talent, plus que limité, de Keanu Reeves pour rendre les émotions de la catégorie tristesse. Il n’y est est jamais arrivé, il n’y arrive pas, et il n’y arrivera pas. Mais John Wick n’essaie pas de changer cet état de fait. Non, il en joue, il le manipule et en fait un gros avantage, le film gagnant, avec ce début dédié à la mélancolie d’un personnage encore mal défini, une sorte d’ambiance nanar pas déplaisante du tout. Avant que John Wick ne devienne un peu long à démarrer, intervient l’élément déclencheur de l’intrigue du film : le home jacking, le vol de la Mustang, et le meurtre infâme du petit chien de John Wick, Daisy, légué post-mortem par sa défunte femme. C’en est trop pour notre héros, qui part alors dans une quête vengeresse (nous rappelant le film Red, au passage), et se dévoile être bien plus qu’un homme apparemment fortuné et tranquille. Un quart d’heure vient de s’écouler dans John Wick, et le temps qui reste est certainement l’une des plus belles réussites du cinéma d’action américain de ces dernières années.
John Wick va crescendo.
John Wick est, à la surprise générale, un exemple de crescendo, de personnage intelligemment dévoilé. Tout d’abord, le héros se rend au garage où, quelques temps plus tôt, Iosef Tarasov, que les traits bien connus de Alfie Allen rendent particulièrement antipathique, a tenté de vendre la Mustang volé. Tenté, car le responsable du commerce pas très légal, Aurelio (John Leguizamo) repousse l’offre dès qu’il comprend que le bolide appartient à John Wick. Le revendeur ne fait pas que refuser le deal, il inflige aussi une bonne correction à Iosef, en le prévenant qu’il va devoir prévenir Viggo, le père du voyou de bas étage : son taré de fils vient de mettre en rogne celui qu’il ne fallait pas déranger. L’action de la séquence décrite se joue dans un flashback, alors que John Wick questionne, amicalement, Aurelio. Bien sûr, on comprend que les deux ne viennent pas de se rencontrer. Le spectateur est alors pris dans un suspense très bien géré : mais qui est, bon sang de bonsoir, ce John Wick ?
John Wick, une légende urbaine.
John Wick continue de se découvrir sans qu’il ne passe à l’action. La séquence qui suit celle du garage nous présente Viggo Tarasov, le père de Iosef, très bien interprété par un Michael Niqvist de toute façon jamais décevant. Il attend son fils, s’envoie verre sur verre, et termine la correction débutée par Aurelio, avec une violence telle qu’on ne cesse de se dire que Iosef a dû, décidément, se mettre dans de bien sales draps en se mettant John Wick à dos. Intervient alors un montage parallèle (et pas alterné, on ne sait pas si l’action de John est exactement simultanée à celle de Viggo) à la fois finaud et jouissif, où le père, ancien commanditaire de John Wick, explique à son fils à quel point avoir l’ex-tueur à gage contre soi n’est pas bon pour la santé. Histoire donc soutenue par John défonçant le sol de sa baraque, à la masse et hurlant de rage, afin de récupérer son artillerie de tueur à gage. Dès lors, on arrête de prendre John Wick pour un rigolo, avant même de l’avoir vu à l’œuvre, ce qui arrivera incessamment sous peu.
John Wick, ballet de flingues.
Une fois John Wick découvert, il est temps de confirmer la crainte qu’il inspire par l’action. Viggo envoie à John Wick une petite armada d’hommes de main, sans grand espoir qu’ils puissent s’en sortir. Et en effet, ils n’avaient aucune chance de remettre les pieds sur leur table basse après cette mission qui confine au suicide. Si Keanu Reeves ne sera jamais un acteur dramatique, en tout cas pas sans de grands progrès et ce n’est pas John Wick qui les permettra, on peut dire qu’il est par contre tout à fait valable arme à la main, et chorégraphie bien intégrée. John Wick est tout simplement incroyable de fluidité dans les mouvements, et impressionnant dans l’exécution. Pas de combats à main nue, ou de façon marginale, mais plutôt des joutes armées à la fois dans la tradition des bullet ballet Hongkongais (les Anglais disent aussi Gun Fu), mais aussi plus rudes comme ce qu’on peut voir dans les Jason Bourne. John Wick est violent, impitoyable, féroce, et millimétré. Et, surtout, c’est lisible, et c’est là qu’on se rend compte que John Wick est réalisé par des cascadeurs : ces derniers mettent un point d’honneur à rendre l’action compréhensible, pour mieux se rendre compte du gros travail effectué. John Wick est tout simplement un grand plaisir dans ces phases de fusillade.
John Wick, un hôtel pour les calmer tous.
John Wick peut alors s’envoler et dérouler son intrigue, pas super originale mais tout à fait satisfaisante. Et surtout, nous offrir l’un des cadeaux qu’il gardait de côté : un univers bien plus intéressant qu’il n’y paraît de prime abord. Dans John Wick, les tueurs à gages peuvent s’entretuer et liquider à tour de bras, mais pas dans le Continental, un hôtel New-yorkais à la façade tranquille mais qui s’avère être aussi bien un repère de professionnels du meurtre qu’une zone neutre où les contacts se font et les contrats se signent. Ce n’est pas très poussé, on aimerait d’ailleurs une suite à John Wick rien que pour creuser le sujet tant l’ambiance est bonne même à l’état embryonnaire, mais c’est très réussi et plein de personnalité. John Wick gagne une aura de tueur légendaire, que le pays des comics a une grande facilité à imprimer dans ses films
John Wick end.
John Wick se suit incroyablement bien, est un modèle de film d’action débridé et étonnement bien réalisé malgré quelques maladresses pardonnables. C’est parfois un peu incohérent, notamment autour de la chasse de Iosef Tarasov, que John Wick aurait pu liquider très vite dans la séquence d’action, là aussi très réussie et décomplexée, de la boîte de nuit. Des coups de feu parmi les danseuses et danseurs fous ? Ces derniers s’en fichent éperdument, dans un premier temps en tout cas, ce qui apporte une dose d’humour à John Wick qu’on ne refuse pas. La dimension spectacle jusqu’au-boutiste de John Wick est ici très importante, on n’est pas dans un film d’espionnage, comme voulait l’être un November Man qui, lui, devenait ridicule dans ses outrances. Dans John Wick, on demande de l’action de folie, des exécutions aussi rapides qu’efficaces, comme un samouraï qui pourfend son ennemi d’un seul coup de sabre avec une précision chirurgicale. John Wick nous en donne pour notre argent, jusqu’à une fin un poil gênante par l’intervention d’un deus ex machina. Mais il serait impardonnable de passer à côté de John Wick juste sur cette considération pointue, tant on perdrait l’occasion de se dire que le cinéma d’action vient d’accueillir deux nouveaux espoirs à la réalisation, et a réussi à relancer Keanu Reeves.
John Wick, les bonus.
Visiter le site officiel de John Wick, et notamment jouer à deux jeux flash en rapport avec le film, c’est à cette adresse.
Pour voir la bande-annonce de John Wick, c’est par ici.
Keanu Reeves dans une interview vidéo à propos de John Wick, c’est sur Allociné.
Pour lire d’autres critiques de John Wick, c’est notamment chez Marvelll et Braindamaged.
- Mise en scène claire, lisible.
- Les séquences d'action, jouissives.
- L'univers du film, l'hôtel Continental.
- Le deus ex machina.
- Pas de thème musical fort.