Fidelio, l’Odyssée d’Alice : un autre regard sur la femme
Alice, marin de profession, est appelée à reprendre la mer et à embarquer promptement sur le Fidelio pour remplacer un technicien. Sa traversée ne sera pas de tout repos, dès lors qu’elle découvrira que son capitaine n’est autre que son amour d’enfance, et qu’elle dénichera dans sa cabine le mystérieux journal de bord de son prédécesseur…
En ce moment, les films présentés lors de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes se dévoilent petit à petit au grand public. C’est de cette sélection qu’est issu Fidelio, l’Odysée d’Alice, premier long métrage de la jeune réalisatrice Lucie Borleteau, présenté quant à lui au Festival International de Locarno cette année. On peut dire que pour un premier long, Borleteau s’est lancée dans un pari cinématographique dangereux, mêlant conditions de tournage difficiles, mise en scène périlleuse à bord d’un véritable bateau, et équipe de choix.
Ainsi, nous retrouvons dans le rôle titre la sublime Ariane Labed (Attenberg), qui porte à la perfection ce rôle de femme forte qui mène son équipe (et les hommes en général) à la baguette, et s’est d’ailleurs faite remettre le Prix d’Interprétation Féminine du Festival International de Locarno. On retrouve également Melvil Poupaud, plus charismatique que jamais après son triomphe dans Laurence Anyways. Pour clore ce triangle amoureux qui va structurer le récit nous ferons aussi la connaissance de Anders Danielsen Lie, qui interprète le petit-ami d’Alice.
Un film à la forme parfois maladroite
Pour être franche, je risque d’avoir du mal à vous parler du film en lui-même, tant certaines choses m’ont laissées froide… C’est tout d’abord ce que je vais lui reprocher. Peut être est-ce à mettre sur le coup d’une toute première réalisation, aussi ambitieuse que celle-ci, mais ce que je cherche dans une œuvre de fiction c’est avant tout une certaine proximité avec les personnages. Chose que je n’ai pas trouvé dans Fidelio. Certes, quelques scènes usaient d’une profonde relation, un rapprochement intense entre la caméra et les acteurs, mais ces moments souvent intimes me faisaient plutôt me sentir dans une position de voyeurisme, ce qui ne met pas forcément à l’aise… De plus, le film a été tourné en format scope (choix très audacieux, j’en conviens et j’applaudis) ce qui fait que si une personne est allongée sur un lit, nous la voyons des pieds à la tête. J’ai eu cette sensation d’être claustrophobe, comme enfermée dans l’image qui donne une fausse impression de liberté et d’espace.
Fidelio, l’Odyssée d’Alice est autant un périple en mer qu’un périlleux voyage cinématographique, Lucie Boreleteau n’ayant de cesse de jouer avec les codes, de les repousser ou de les détourner, tant au niveau de la mise en scène que du scénario. Son personnage principal est une jeune femme sublime, au physique presque frêle, mais qui va exercer une profession extrêmement physique et au combien masculine : technicienne dans la marine. Elle va être étouffée par le bruit assonant des machines en permanence, se retrouvera avec du cambouis sur le visage… C’est une femme dans un univers d’hommes, qui n’a pas froid aux yeux et qui préfère être Leonardo Di Caprio plutôt que Kate Winslet à la proue d’un navire.
Une femme forte dans un milieu d’hommes
L’une des choses que j’ai trouvé appréciable dans Fidelio est en effet l’inversion des rôles notable dès le synopsis, et tout au long du film. « Alice est marin ». Non seulement elle est la seule femme à bord d’un équipage, mais elle endosse toutes les responsabilités et les travers qu’on aurait attribué à un homme dans le schéma typique d’un film. Dans son couple, Alice est celle qui vit l’aventure et voyage, là où son compagnon, « son homme », est dans une position d’attente. Alice va flirter, tromper, être une véritable Dom Juan… Ce sont habituellement (et sans surprise) les hommes qui s’adonnent à la tromperie et il est très juste d’avoir donné ce rôle peu vertueux à une femme. Lucie Borleteau renverse dans Fidelio, l’Odyssée d’Alice les codes pré-établis en mettant en scène un triangle amoureux où la femme est la maîtresse du jeu.
D’un point de vue strictement féministe, Fidelio, l’Odyssée d’Alice est une perle. La femme y est présentée comme une figure d’autorité, de puissance habituellement masculine. À aucun moment on ne la présente comme une victime : elle assume pleinement ses choix, même mauvais, et en paie les conséquences. La fin reste cependant très faible, se contentant d’excuser tous les faux pas de l’héroïne. Dommage. On aurait souhaité un dénouement moins « happy end » pour conclure le film de façon magistrale.
Fidelio l’Odyssée d’Alice reste de plus très convenu, très académique sur la forme, les plans d’insert sur l’océan servant à ponctuer les scènes, la caméra effectuant souvent de longs plans fixes… Si cela peut donner un certain charme au film, je pense également que ça a contribué à mon impression de distance avec les personnages. On n’arrive à aucun moment à ressentir quoi que ce soit pour eux, même en étant témoins d’un passage important dans leurs vies, puisqu’ils sont présentés de manière très froide. Le film n’a pas d’âme, il manque d’une petite étincelle. Fidelio, l’Odyssée d’Alice est esthétique mais lisse, peut être trop lisse voire même plat parfois.
La barre que s’est mise Lucie Borleteau pour sa première réalisation était très haute, le scénario et la mise en scène sont bancales mais l’intention est là, et le casting sauve le navire du naufrage en offrant des performances magistrales.
Fidelio, l’Odyssée d’Alice, en salles le 24 décembre.
- Le trio Labed/Poupaud/Danielsen Lie
- La mise en scène de la salle des machines
- Le dénouement horriblement simple
- Le caractère académique des prises de vue