Hippocrate, ou Vincent Lacoste 2.0
Hippocrate, deuxième long métrage de Thomas Lilti, a tout du petit film français qui ne paie pas de mine. On n’en a pas trop parlé, le casting n’est pas bling bling, et le sujet s’éloigne franchement des blockbusters du moment puisqu’on suit le quotidien d’un jeune interne qui débarque tout juste dans le service de son père à l’hôpital. La bande-annonce mise tout sur un Vincent Lacoste qu’on a jusqu’ici vu uniquement dans des comédies, et laisse donc penser qu’on va bien rire pendant 1h40. Hippocrate c’est en fait bien plus que ça, et c’est une vraie pépite qui mérite d’être découverte.
A ma grande surprise, et sans spoiler, le film n’est en fait pas tant une comédie que cela. Entendons-nous bien, on rit beaucoup pendant Hippocrate. Mais le film est beaucoup plus riche que ça. Toutes proportions gardées, parce que tout le monde ne fait pas 20 millions d’entrées, j’oserais comparer Hippocrate avec Intouchables dans le sens où le film traite de sujets particulièrement difficiles (les patients en fin de vie, la détresse sociale de certains par exemple), mais sans complaisance, et en ne se noyant pas dans les larmes. On rit, on pleure, on touche à l’humain, et ce petit film sans prétention est finalement une belle réussite. Hippocrate a du chien, et du charme.
On apprend aussi des choses dans ce film réalisé par un Thomas Lilti qui est avant tout médecin généraliste. Dans une société de rentabilité, l’hôpital ne doit pas seulement être à l’équilibre financier. Il doit gagner de l’argent. Cet hôpital qu’on nous montre ressemble terriblement à tous les reportages sur les coupures de budget qu’on a pu voir ces dernières années. Les sous-sols surfent dangereusement avec l’hygiène, les peintures sont défraîchies, tout comme parfois le matériel (j’ose espérer que sur ce point le film n’est pas aussi réaliste qu’on pourrait le croire…), et le personnel au bout du rouleau doit continuer d’assurer les soins coûte que coûte, et c’est vraiment le cas de le dire.
Au milieu d’Hippocrate (le serment prenant ici tout son sens), Benjamin, joué par un Vincent Lacoste (Jacky au Royaume des Filles, Les Beaux Gosses) dont c’est le premier personnage ayant un travail est tout simplement perdu, ballotté entre des décisions qu’il doit prendre mais dont il n’a pas la moindre idée. Vincent Lacoste est étonnant de finesse, de justesse, et même si on retrouve les éléments qui font de lui le jeune loser comique qu’on adore habituellement, son jeu se trouve enrichi par une maturité inattendue. A ses côtés, Reda Kater (Guillaume et les Garçons, à table !, Un prophète) est absolument bluffant. Sa prestation sobre, et somme toute profondément vraie, nous permet de redécouvrir un acteur au charisme surprenant. Jacques Gamblin (Le premier jour du reste de ta vie), Marianne Denicourt (Quelqu’un de bien), Carole Franck (Le nom des gens) complètent un casting aussi bouleversant que drôle.
Hippocrate ne sera probablement pas le film de l’année. Encore une fois c’est un film sans prétention, qui a toutefois l’immense mérite de montrer (sans fard ?) la réalité du métier des médecins à l’hôpital. Des humains qui galèrent pour prendre les décisions qui vous feront vivre, ou mourir s’ils se trompent. C’est une belle surprise bourrée de charme. On sourit autant qu’on pleure, le film réussissant à créer une connivence presque intime avec votre vécu familial. Et cela résonne particulièrement avec l’actualité des grands procès médicaux…
- Vincent Lacoste
- Kateb et Gamblin
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