Critique – Mommy

Un carré d’as pour Mommy

Acclamé à Cannes et ayant reçu le prix du Jury (ex-aequo avec Adieu au Langage, de Jean-Luc Godard) présidé par Monsieur Quentin Tarantino, Mommy est peu de temps après Tom à la ferme, le nouveau film de Xavier Dolan, la tête à claques du cinéma international. Pourquoi tête à claques ? Parce qu’autant de talent chez un seul (jeune) homme est tout bonnement scandaleux, ses films se frayant toujours un chemin jusqu’à Cannes (comme ses Amours Imaginaires en 2010, ou le grand Laurence Anyways qui avait reçu la Queer Palm en 2012) et Mommy étant même en lice pour concourir aux Oscars 2015.

Mommy place dès le début du film le spectateur dans un Québec alternatif, expliquant à l’aide d’un paratexte la mise en application d’une nouvelle loi permettant aux parents d’abandonner leurs enfants hyperactifs ou malades. Nous suivrons durant 2h14 la vie d’une famille monoparentale : Diane Després (dite Die), une mère totalement dépassée et adolescente attardée sur les bords, et son fils Steve, justement hyperactif.mommy affiche 2014

Ce n’est pas à un film bateau et longuet que vous vous risquerez en allant voir Mommy, oh non. Si le synopsis donne déjà fortement envie – ne le niez pas, je vous vois –, son contenu n’en est que meilleur. Tout commence par un casting tout à fait époustouflant. Bien sûr, cela n’aura rien d’étonnant pour des admirateurs du travail de Dolan, on retrouvera une équipe sur laquelle il a déjà pu s’appuyer auparavant : Anne Dorval, Suzanne Clément et le très jeune Antoine Olivier Pilon, avec qui Dolan a collabor�� sur le clip controversé de College Boy, du groupe Indochine. Pour tout dire, ce dernier acteur n’est pas des moindres, puisqu’il m’a laissée bouche-bée pendant toute la durée du film. Son jeu est prenant, vrai, puissant, et il ne surjoue jamais alors que le rôle de Steve était loin d’être un pari gagné, ce garnement étant totalement imprévisible du début à la fin.

image mommy dorval pilon

Anne Dorval et Antoine Olivier Pilon portent cette relation mère/fils fusionnelle

Quitte à parler de cette équipe d’acteurs exceptionnels, je ne peux pas ne pas évoquer les performances grandioses d’Anne Dorval et Suzanne Clément. Ces femmes sont tout simplement des modèles de jeu, de véritables inspirations, de sublimes caméléons qui arrivent à changer de peau de film en film. Clément incarne ici une institutrice bègue, touchante et sensible, qui viendra embellir et apaiser la vie mouvementée de la famille Després. Dorval, quant à elle, nous livrera sa seconde interprétation de mère chez Dolan, après son rôle de génitrice irritante dans J’ai tué ma mère. Elle m’a tout bonnement coupé le souffle. Tout ce film est à couper le souffle, voilà pourquoi il m’est aussi difficile d’en parler. Anne Dorval porte parfaitement ce personnage de mère forte, veuve de surcroît, tentant en vain de s’occuper de son fils… Elle est le parfait portrait d’une mère moderne dépassée par les événements, enchaînant les petits boulots pour subvenir aux besoins de son fils… Tout cela par amour. Un amour destructeur, fusionnel, intense et beau, qui prend aux tripes. Voilà pour les détails concernant les personnages. Beaucoup d’émotion encore une fois dans Mommy.

suzanne clément mommy

Suzanne Clément, gracieuse et touchante dans le rôle de la voisine

Dolan se réinvente une fois de plus, imposant ici son format audacieux en 1 :1 (image carrée) et offrant ainsi un élégant pied de nez à l’industrie du cinéma actuelle, et un panel d’émotions rendues beaucoup plus intenses. Ce fut d’ailleurs un véritable challenge pour l’équipe du film, tant au niveau de la technique que de la réception, utilisation de nombreuses astuces pour parvenir à tout faire rentrer dans le cadre, notamment en mise en scène et usant de lentilles très grand angle. Ce carré parfait permettra une captation intense de chaque visage, chaque émotion des personnages, empêchant notre attraction de dériver vers autre chose. Nous assistons ainsi à un ballet de musiques (la playlist mettra en joie tous les spectateurs), d’images travaillées et à une valse entre les formats. Dolan se pose ici comme un véritable virtuose.

antoine olivier pilon mommy

Le jeune premier interprète un diable aux boucles blondes

Ne négligeons pas non plus un scénario sans accrocs, associé à des dialogues mordants et à une imagerie magnifique. J’avais déjà évoqué le fait que Mommy se joue du cinéma actuel en optant pour un format en 1 :1, mais cela ne contribue qu’à rendre la proximité avec les personnages et les émotions dégagées plus intenses. Mommy est un pur tourbillon émotionnel, passant du rire aux larmes en un battement de paupières, plongeant son spectateur dans des moments presque lyriques et forts, et brisant du même coup le 4ème mur d’une manière très astucieuse. Cette frontière mythique entre l’écran et le spectateur, entre le réel et le film, que nombre de réalisateurs se sont déjà amusés à briser, mais qui reçoit ici un traitement des plus magiques. En effet, le film s’envole lorsque le personnage de Steve regarde la caméra et élargit de lui-même le format d’image au format numérique… Et c’est tellement lourd de sens que cela vous arrachera un sourire, ou même des larmes, l’instant étant porté par la musique. Rien que ça. Le film reprenant son rythme et son cadre normal quelques instants plus tard.

Mommy est un récit sur le temps qui passe, sur une relation si belle mais pourtant si destructrice entre une mère et son fils, supportés dans leur nouvelle vie par une voisine attachante et aimante. Nous partageons leurs douleurs, leurs joies, suivant cette mère dans un voyage mêlant souffrance et espoir… Mommy est bouleversant, au même titre que Laurence Anyways. Mommy est si ce n’est le meilleur, un des meilleurs films de l’année. Merci Xavier Dolan.

Mommy, en salles le 8 octobre.

À lire aussi :
http://www.filmosphere.com/movies/mommy-xavier-dolan-2014
http://www.premiere.fr/film/Mommy-3869026

http://www.nopopcorn.fr/reviews/films/1377-critique-du-film-mommy

Critique - Mommy
Xavier Dolan prouve encore une fois au monde qu'il n'est pas qu'un jeune réalisateur bourré de talent et prétendument arrogant.
Scénario
Images et son
Acteurs
Mise en scène
On aime
  • Le format 1:1
  • La signature de Diane Després
  • Le caractère imprévisible du film
On aime moins
  • La musique parfois omniprésente
  • Que Dolan ait autant de talent
  • Devoir faire ses provisions de mouchoirs
4.7Note Finale
Note des lecteurs: (4 Votes)