Le réalisateur du Labyrinthe de Pan présente en cette fin d’année un film plus sentimental. Avec Crimson peak, Guillermo del Toro utilise les codes du genre fantastique dans une romance gothique que l’on prend plaisir à découvrir.
Un trio inattendu berce cette histoire : Mia Wasikowska, Tom Hiddleston et Jessica Chastain partagent l’affiche avec une interprétation propre à chacun et époustouflante.
Un univers fantasmagorique
Avec l’imagination débordante de Guillermo del Toro, Crimson peak rend vie aux décors denses et sombres de l’histoire qui apportent précision sur le style assez gothique de cet univers fantastique par les fantômes évidemment mais aussi dans la décoration de la maison au centre de l’intrigue : Allerdale hall.
Le souci du détail est si poussé qu’il évoque à l’esprit les sensations ressenties par l’héroïne découvrant cet endroit effrayant et intriguant. Ainsi par des sons oscillants, on l’imagine en danger puis une mélodie réconfortante suffit à recouvrer l’apaisement. L’utilisation de ce qu’on appelle « jump scares » est certes un peu abusive, mais sert au rythme plus qu’elle ne dérange dans le manque de surprise du spectateur.
Les fantômes sont assez terrorisants sans être gores. Comme à son habitude, Guillermo del Toro parvient à apporter sa touche personnelle dans l’esthétique bien léchée de personnages fantastiques, avec succès puisque l’on reconnaît immédiatement son inspiration. Les fantômes sont ici plutôt osseux, fluides et décharnés ce qui ajoute une note assez psychotique à la vue de ceux-ci.
Cet espèce de manoir hanté est littéralement un personnage à part entière. Il vit au travers de ses occupants et réagit en fonction d’eux. Ou est-ce l’opposé, les personnages ressentent-ils les émanations de cette maison maudite et agissent en fonction? En tout cas cet espace est un élément central de Crimson Peak puisqu’il définit une partie des personnages et guide l’héroïne.
Psychologie des personnages
La principale évolution de ce film est celle d’Edith Cushing, interprétée par Mia Wasikowska (Madame Bovary, Jane Eyre) avec une justesse troublante puisqu’elle est réservée et rêveuse au commencement de Crimson peak mais termine en apothéose dans une rage exprimée avec brio.
Edith est une jeune femme ambitieuse et appliquée mais son honnêteté lui joue parfois des tours à une époque où les femmes de son acabit, de surcroît en Amérique, ne sont pas souvent prises en considération. Quand elle rencontre Thomas Sharpe, un arriviste bien inférieur à sa position sociale, elle découvre un amour qu’elle croit pur et intellectuel. Mais ce dernier a bien plus à cacher qu’elle n’ose le voir et se déplace sans cesse avec sa sœur, Lucille.
Lucille et Thomas Sharpe sont mystérieux mais dans le sens effrayant du terme. Ils manigancent tout au long du film et Lucille est pour le moins froide avec Edith, au désespoir de son frère qui malgré une storyline définie, lutte pour s’en détacher et révèle un personnage bien plus sensible et surprenant qu’il n’y paraît. L’interprétation de Tom Hiddleston (Thor : le monde des ténèbres, Only lovers left alive) prouve encore une fois qu’il est taillé pour ce genre de rôles très charmeur mais complexe et attachant.
Jessica Chastain (Zero dark thirty, Mademoiselle Julie) est de loin une révélation dans le rôle de la sœur âcre et détestable. Elle qui est habituée aux rôles attachants, ou du moins inspirants, a ici des allures de sorcière élégante et pleine de surprise. Sans révéler plus de la chute, c’est un des personnages dont l’évolution prend le plus au dépourvu puisqu’au départ il est relativement contenu mais s’avère finalement explosif.
La romance gothique
Sans être vendu comme une histoire d’amour, Crimson peak en est tout de même une. Mais la subtilité de cette romance est décrite si délicatement que le film ne se résume pas uniquement à elle.
Edith devient amoureuse d’une idée, une vision réelle d’un personnage qu’elle aurait pu imaginer et Thomas conforte ses doutes et songes sur l’existence. Il est vrai que le duo fonctionne à merveille, on notera une alchimie superbe pendant la scène du bal où les deux acteurs dégagent une beauté rare.
Crimson peak est donc également une romance sombre qui pourra rappeler à certains spectateurs une certaine idée du romantisme pas forcément souvent représenté dans les films, mais que Guillermo del Toro retranscrit habillement. Il y a presque un lyrisme autour de cette histoire, des relations amoureuses multiples et différentes selon les couples, mais toujours une grande passion qui les lient.
Mais ce sont les secrets familiaux et le mystère qui attire surtout dans ce film. Crimson peak est certainement un des plus beaux films de cette année et, pour cette raison, on ne peut que le recommander à tous.
Un autre avis sur Crimson Peak avec l’après-séance du Fossoyeur de film et une critique par l’Express.
- L'intrigue originale
- Le rythme crescendo
- Les acteurs impliqués
- Un peu trop de jump scares
- Titre : Crimson peak
- Année de sortie : 2015
- Style : Fantastique
- Réalisateur : Guillermo del Toro
- Synopsis : Au début du siècle dernier, Edith Cushing, une jeune romancière en herbe, vit avec son père Carter Cushing à Buffalo, dans l’État de New York. La jeune femme est hantée, au sens propre, par la mort de sa mère. Elle possède le don de communiquer avec les âmes des défunts et reçoit un étrange message de l’au-delà : "Prends garde à Crimson Peak". Une marginale dans la bonne société de la ville de par sa fâcheuse "imagination", Edith est tiraillée entre deux prétendants: son ami d’enfance et le docteur Alan McMichael.
- Acteurs principaux : Tom Hiddleston, Jessica Chastain, Mia Wasikowska, Charlie Hunnam
- Durée : 1h59mn