Réparer les Vivants, 24h de la vie d’un cœur
Réparer les Vivants, c’est l’histoire du cœur de Simon Limbres, jeune surfeur de 19 ans. Il est un fils, un frère, un pote et un amoureux . Et son cœur va migrer vers le corps de quelqu’un d’autre. De l’accident jusqu’à la greffe, Maylis de Kerangal décrit l’itinéraire sur une journée d’un organe pas comme les autres , assurant la circulation du sang et des émotions. Lauréat du Grand Prix RTL Lire en 2014, Réparer les Vivants est , selon Bernard Pivot, « Un vrai roman, un très grand roman, un extraordinaire roman ».
Réparer les Vivants, le temps suspendu
Réparer les Vivants c’est une citation, livrée sans contexte et qui, pourtant, épouse à merveille le texte de Maylis de Kerangal. Extrait de Platonov, pièce de Tchekhov restée longtemps sans titre, on retrouve ces trois mots placardés sur le mur du bureau de l’un des personnage du roman, l’infirmier Thomas Rémige. Il n’a pas lu la pièce mais il a été touché par le dialogue « Que faire Nicolas ? Enterrer les morts et réparer les vivants ». Dans un contexte scientifique où la mort n’est plus marquée par l’arrêt du cœur, le temps est un fil sur lequel se greffent les souvenirs et les sensations comme sur une toile impressionniste. Réparer les vivants est un désordre organisé qui rappelle Mrs Dalloway de Virginia Woolf, où le lecteur surprend dès le début un personnage en pleine action et déjà dans ses pensées. Simon Limbres est d’abord une silhouette indistincte qui se fond dans l’obscurité, avant de gagner de l’épaisseur au fil des pages et des pensées de ses proches. A mesure qu’il disparaît, d’autres personnages se forment puis s’éloignent à leur tour, comme une vague qui tire la mer au loin pour la ramener ensuite. Un mouvement semblable à la pensée humaine qui ne suit pas le fil implacable du temps qui passe.
Réparer les Vivants, science et sentiments
Si on se penche sur la première page, avant même le début du roman, on notera que Réparer les vivants commence par l’extrait d’un film réalisé par Paul Newman, De l’influence des rayons gamma sur le comportement des Marguerites – « My Heart is Full ». Tout simplement. « Mon cœur est plein ». « Que deviendra tout ce qui emplissait ce cœur, ses affects lentement déposés en strates depuis le premier jour ou inoculés ça et là dans un élan d’enthousiasme ou un accès de colère…? » se demande la mère de Simon Limbres. Le cœur est un organe certes, mais c’est aussi le centre de nos émois, de nos peurs et de nos tristesses. Réparer les Vivants l’envisage sous toutes ses formes et se balance entre différents points de vue, celui des médecins et infirmiers et celui des patients et de leurs proches, tous ayant des approches et des interrogations différentes.
Dans Réparer les Vivants, Maylis de Kerangal aborde avec délicatesse et poésie, au gré de longues phrases suivant le fil d’une pensée puis d’une autre, l’épineux sujet du don d’organe. Et elle choisit le cœur, le plus emblématique de tous, symbole de l’amour et de la vie. Le temps est compté, il file de médecins en anesthésistes, mais s’arrête et repart au gré des émotions humaines. Réparer les vivants est un magnifique roman très documenté, qui évite habilement le pathos et se lit comme on écoute une chanson.
Pour lire une autre critique sur Réparer les Vivants, c’est par ici.
- Le style poétique et fluide
- Les personnages bien construits
- Rien du tout !