Vous avez aimé Mary Poppins, le grand classique de Disney? Grâce à Dans l’Ombre de Mary, découvrez les coulisses de la création de ce film emblématique. En avant pour le duel Paméla Travers / Walt Disney.
Dans l’Ombre de Mary de John Lee Hancock nous raconte les dessous de la création du célèbre film Mary Poppins cinq fois oscarisé, sorti en 1964, avec Julie Andrews et Dick Van Dyke. Walt Disney (Tom Hanks aussi vu dans Captain Phillips et Cloud Atlas) a fait une promesse à ses filles : il adaptera au cinéma le livre et bestseller Mary Poppins de Paméla L. Travers (Emma Thompson que l’on a notamment vue dans la saga Harry Potter). Pendant 20 ans, il tente de négocier les droits du livre auprès de l’écrivain, sans succès. C’est là que commence le récit de Dans l’Ombre de Mary. Paméla Travers, d’origine australienne, réside en Angleterre. C’est une femme austère, renfermée, butée, peu tolérante, intransigeante, qui déteste ce que représente Walt Disney et son empire. A cours d’argent, et sur l’insistance de son avocat, elle décide enfin d’accepter l’invitation du père de Mickey et de rejoindre ses studios californiens. L’adaptation du livre aura donc bien lieu … mais uniquement sous certaines conditions très strictes sans lesquelles l’auteur ne cèdera pas les droits de son livre à Walt. L’équipe de Disney, composée du scénariste Don DaGradi et des compositeurs et frères Sherman, va se confronter à un femme qui va leur donner du fil à retordre et qui se sait en position de force. Pamela Travers compte bien défendre bec et ongle sa Mary Poppins face à un Walt Disney qui ne semble pas saisir le sens réel de l’œuvre et le pourquoi d’un tel attachement de l’auteur vis-à-vis de son personnage. Dans l’Ombre de Mary nous montre que Mary Poppins a en effet beaucoup plus à révéler qu’il n’y parait…
Deux visions que tout oppose
Pamela Travers, protagoniste principal de Dans l’Ombre de Mary, est une femme qui ne veut pas être dépossédée de son personnage face à une immense firme. C’est une personne difficile et désagréable. En face d’elle nous avons Walt Disney, dirigeant d’une très importante industrie cinématographique (productrice des récents films Into the Woods ou Maléfique) qui n’a pas pour habitude de se faire marcher sur les pieds. L’homme aime la fantaisie et le divertissement. Paméla L. Travers a des exigences : elle ne veut pas d’animation, elle ne veut pas de la couleur rouge dans le film, elle ne veut pas de comédie musicale, elle ne veut que des prises de vues réelles, elle refuse de voir s’installer une relation amoureuse entre Mary et Bert… Bien évidemment, Walt Disney ne respectera pas toutes ces demandes mais il s’investira beaucoup dans la production de Mary Poppins. Dans l’Ombre de Mary montre à la perfection les joutes qui avaient lieu entre les deux et semble refléter la réalité puisque Walt Disney aurait dit à Paméla Travers « Je pense que vous êtes très vaniteuse », ce à quoi elle aurait répondu « Oh, moi? Oui! » (source : Wikipédia) . Les traits de caractères de Paméla Travers peuvent paraître exagérément accentués dans Dans l’Ombre de Mary, mais il semblerait que son comportement se rapproche beaucoup de la réalité. En effet, lors du générique de fin, on peut entendre un enregistrement issu d’une des réunions de travail entre l’auteur et l’équipe Disney et il est très intéressant de se rendre compte à quel point elle pouvait les rendre fous. Paméla Travers est un personnage tout en contrastes, qui a créé une nounou aux pouvoirs magiques mais qui déteste la fantaisie de Disney. Elle est très attachée à la rigueur et la bienséance mais son père était quelqu’un de fantasque. Si elle suscite l’agacement par ses répliques acerbes et son éternel mécontentement, Paméla devient progressivement une femme attachante qui cache des blessures et une histoire compliquée. Dans le film Dans l’Ombre de Mary, l’écrivain est tellement désagréable (ne vous attendez pas à la voir décrocher le moindre sourire) que chaque phrase qu’elle prononce devient drôle et suscite finalement le rire.
Une double narration
Dans l’Ombre de Mary nous raconte deux histoires en parallèle. L’une se déroule en 1961, lors de l’âpre négociation de l’adaptation de Mary Poppins entre Paméla L. Travers et Walt Disney. Notons d’ailleurs que les performances de Tom Hanks et Emma Thompson sont remarquables et portent à merveille les deux personnages charismatiques. L’autre se déroule quelques dizaines d’années plus tôt, et nous raconte l’histoire d’une relation fusionnelle entre un père (Colin Farrell, Mademoiselle Julie) et sa fille Helen Goff dans le bush australien. Peu à peu, ces deux récits que l’on croyait sans rapport vont converger et les indices disséminés depuis le début du film vont peu à peu prendre tout leur sens. Helen Goff n’est autre que Paméla Travers. Les flashbacks sont une plongée dans les souvenirs d’enfance de l’auteur. Le rapport entre les deux récits ne s’arrête pas là : les personnages de Mary Poppins sont largement inspirés de la famille de Paméla Travers qui fut confrontée à l’alcoolisme de son père banquier et à la tentative de suicide de sa mère. Quand Paméla Travers affirme que Mary Poppins et les personnages du livre sont sa famille, c’est donc à prendre au sens figuré comme au sens propre. Dans l’Ombre de Mary nous offre donc à la fois les origines du film mais aussi celles du livre. A ce propos, le titre américain Saving Mr. Banks (Sauvons Monsieur Banks) est nettement plus judicieux que le titre français Dans l’Ombre de Mary. Il montre bien que le père de Paméla Travers est à l’origine de tout le mythe, que la nounou n’est pas là pour sauver les enfants, mais leur père banquier qui n’est pas heureux.
Dans l’Ombre de Mary ou une délicieuse madeleine de Proust
Dans l’Ombre de Mary revient sur la genèse du film Mary Poppins. Ce film, qui a fêté ses 50 ans en 2014, a très certainement bercé votre enfance. Si, comme moi, vous avez encore en tête toutes les chansons de Mary Poppins, Dans l’Ombre de Mary est un régal. On y voit l’élaboration des musiques du film avec leurs airs si entêtants et puissants. On frissonne de bonheur quand on entend s’égrener les notes des célèbres chansons du film. Il est même parfois assez difficile de comprendre les réticences de Paméla Travers vis-à-vis de ces morceaux composés par les frères Shermann quand on connaît le succès qu’ils ont eu et qu’ils ont toujours. Entendre de nouveaux ces musiques nous ramène clairement à notre enfance. En tant que grande amatrice du film de 1964, j’attendais de voir Dans l’Ombre de Mary avec impatience à sa sortie. Je n’imaginais pas ce qui se cachait derrière la Mary Poppins si enthousiaste et pleine de joie de vivre que je connaissais. Pour moi ce film est tellement une évidence que je ne pensais pas que l’auteur des livres ait pu être aussi déçue par l’adaptation. C’est particulièrement intéressant de voir qu’une œuvre devenue si classique ait pu se créer dans la douleur et soit passée par des étapes difficiles qui auraient pu mener à ce qu’elle ne voit jamais le jour. Et puis il est assez amusant de constater qu’une femme si austère ait pu engendrer malgré elle (et grâce à Walt Disney) un film aussi positif et joyeux. Au final, Dans l’Ombre de Mary touchera plus particulièrement ceux qui ont vu leur enfance bercée par les chants et chorégraphies de Julie Andrews et Dick Van Dyke.
Dans l’Ombre de Mary, une histoire vraie revisitée à la sauce Disney
Dans l’Ombre de Mary, comme tout Disney qui se respecte, finit sur une note positive. Pamela Travers semble pleurer de bonheur de voir son héroïne ainsi portée sur grand écran, même si elle ne veut pas l’admettre. C’est là que Dans l’Ombre de Mary prend quelques libertés. La véritable histoire nous apprend que Paméla Travers fut absolument furieuse quand elle découvrit le film et ne pleura pas de joie, mais de rage. Elle demanda même à Disney de modifier son film, mais il n’en fit qu’à sa tête comme toujours, et lui fit comprendre qu’il était trop tard pour changer quoi que ce soit. On est loin de la happy end qu’on souhaite nous montrer dans Dans l’Ombre de Mary puisque P. Travers aurait même été jusqu’à s’opposer à Disney dans son testament :
« Morte en 1996, elle avait signifié sur son testament son interdiction absolue d’autoriser toute autre adaptation de son œuvre en comédie musicale, de vendre le moindre droit à Disney ou à l’un de ses collaborateurs, et exigé que plus aucun artiste américain ne touche à ce qu’elle avait écrit. » Source Vanity Fair
Dans l’Ombre de Mary est un film distrayant, qui réactive en chacun de nous des souvenirs d’enfance. On y trouve la recette habituelle de la firme Disney : des chansons, des bons sentiments, du pathos, une happy end … Mais il reste efficace pour nous faire découvrir les coulisses de Mary Poppins, un film mythique qui ne fut pas évident à mettre sur pied et qui nécessita de nombreuses négociations avant de pouvoir voir le jour. Dans l’Ombre de Mary est à voir pour porter un nouveau regard sur la célèbre Mary Poppins.
D’autres critiques à propos de Dans l’Ombre de Mary sur Le Parisien, Critikat et critique-film.fr.
- Les acteurs
- La découverte des coulisses de Mary Poppins
- L'opposition Travers / Disney
- Trop de bons sentiments
- Quelques longueurs et pas vraiment de surprises