Un été – Vincent Almendros

Critique de Un été de Vincent Almendros, une navigation au creux des sentiments

Un été, le second roman de Vincent Almendros, s’ouvre sur la baie de Naples où un couple attend. Ils partent pour une croisière sur un voilier sur lequel ils vont retrouver un autre couple, Jean, le frère de Pierre, et Jeanne. Abattus par la chaleur estivale, ils guettent en vain un bateau de plaisance sur le port. Pierre se demande ce que fait son frère. Mais premier quiproquo du récit, il l’attend au bas du Castel dell’Ovo alors que Pierre se trouve au bas du Castel Nuovo. Ils atteignent enfin le voilier et leur croisière autour de cette magnifique baie va pouvoir enfin commencer.

Couverture du livre Un été de Viencent Almendros, image critique avis

Un été où le court a valeur esthétique

Courte, très courte même, cette escapade maritime, à peine une centaine de pages, mais comme souvent, concentrer son récit entraîne une construction précise, une style rigoureux, une concision explicite qui transmettent à l’histoire une allure de conte, transforment le récit d’une réalité bien concrète, là, durant deux jours d’un bel été, une croisière sur un voilier et la cohabitation de deux couples et de leurs sentiments ambigus en une allégorie bien plus universelle. Pensez par exemple, à Soie d’A. Baricco ou à Le vieux qui lisait des romans d’amour de Sepulveda. Bon Un été n’est pas un roman aussi étincelant et universel que les deux cités plus haut, mais V. Almendros recherche l’épure, la quintessence des relations humaines qui transpirent dans le cadre restreint d’un bateau, en plein mois de juillet, quand les corps se dénudent et plongent dans la mer chaude.

Lorsque je voulus remonter, je croisai Jeanne qui descendait. Il n’y avait vraiment pas de place pour deux et nous optâmes pour un face-à-face en s’engageant de profil sur les marches. On ne pût éviter un frôlement, et nous nous excusâmes aussitôt pour désamorcer d’un sourire tout début de quoi que ce soit. Tu es blanc, remarqua-t-elle, il faudrait que tu manges quelque chose. Ça va aller, lui dis-je. Malgré la pauvreté de nos échanges, pour l’instant, ça se passait bien entre nous. (Un été, p.27)

Un été ou la difficile expression de l’ambiguïté des sentiments

Très vite, à la lecture de Un été, on s’aperçoit que quelque chose coince entre les personnages, un passé encore inconnu du lecteur, qui s’insinue dans leur relation, comme un aliment qui refuse de passer. Alors ça bloque, ça limite les dialogues, ça perturbe d’autant plus le quatuor de Un été que les corps se frôlent dans un espace étriqué, se croisent quelquefois nus.

Je crois que je vais me baigner, dit-elle, et sans la déboutonner, elle ôta son ample chemise de nuit en la retirant par le haut. Ce n’était pas à proprement parler une chemise de nuit d’ailleurs, simplement une chemise. La chemise que mon frère avait portée durant le dîner. Jeanne avait dû la passer avant de sortir de la cabine, ce qui signifiait qu’en présence de mon frère, elle dormait nue. Car elle était nue, là, devant moi. Je détournai le regard. (Un été, p.47-48)

La langue elle-même se met au diapason en ajoutant de l’ambiguïté et des filtres de communication, notamment lorsque Jean emploie des termes de navigation (gaffe, pendille, « défendre ») que son frère ne comprend pas ou bien avec Lone, la petite amie scandinave de Pierre qui ne parle pas un français parfait.

Oui une sorte de thèse, précisa Lone. Sur quoi? demanda Jeanne comme si elle s’engouffrait dans un brèche. Sur les parités, répondit Lone, entre l’homme et la femme. Nos hôtes hochèrent la tête en silence. Et pourquoi la France? insista Jeanne. Lone dévoila alors qu’elle s’intéressait à le traitement avec la presse écrite pour la loi dans la parité votée sur Jospin. Jean fronça les sourcils puis recommença à acquiescer, plus lentement. D’accord, dit-il, c’est intéressant. (Un été, p.35)

D’où peuvent naître des interrogations, des polysémies, des confusions. Mais tout cela n’est que la partie émergée de l’iceberg qui peu à peu fond sous le chaud soleil méditerranéen, et laisse affleurer de plus larges vagues du passé qui expliquent que, malgré la limpidité de la mer et l’éclat bienveillant du soleil, les échanges et les actes continuent d’être enserrés dans un invisible anneau. Le voyage se poursuivant, le voilier s’amarrant dans des lieux majestueux (Capri, c’est fini?, Agropoli) jusqu’à ce qu’un événement imprévu vienne interrompre cette croisière.

Un été, dont on pourrait regretter la brièveté, est un roman attachant qui sait en peu de pages décrire avec beaucoup de justesse le carcan des relations avec un ton léger, précis qui crée des images tenaces chez le lecteur. Les corps très présents aussi imprègnent le récit et savent très bien incarner l’ambiguïté des relations entre ces deux couples. Enfin, la dernière phrase de Un été donne un éclairage inattendu sur les réels motifs de cette escapade estivale et engage même le lecteur à une relecture où apparaît encore davantage tout le soin de l’auteur porté à la construction et au choix précis des mots. Un été, un livre à savourer en toute saison!

Pour en savoir plus sur Un été http://cannibaleslecteurs.com/2015/01/30/un-ete-de-vincent-almendros/

Un été - Vincent Almendros
Une croisière à ciel ouvert qui rassemble deux frères et leurs compagnes. Des choses cachées, des non-dits qui transpirent. Une langue qui s'immisce entre eux.
Histoire
Style
Personnages
On aime bien
  • Huis-clos maritime
  • La dernière phrase
On aime moins
  • Finalement rien!
3.5Note Finale
Note des lecteurs: (3 Votes)
    • / @AimeCinema

      Très belle critique, pour un livre qui finit sur ma wish list pour cet été !

      • Mouriès

        Merci Mickael,

        Effectivement c’est un livre estival. L’écriture, une brise légère venant chatouiller l’épiderme ensoleillé.